Architecture et Urbanisme : le post confinement et après ?

El Montacir Bensaid architecte et ancien directeur de l’Ecole Nationale d’architecture de Rabat, est inquiet des conditions de reprise post confinement des agences d’architecture durement touchées par les conséquences de la pandémie. Il lance, à l’endroit des décideurs, une liste de mesures simples afin de réanimer un secteur sinistré mais pourvoyeur d’emplois et essentiel à la reprise de l’activité économique.

Après une période d’hibernation qui ne dit pas son nom, d’arrêt quasi-total de presque toutes les activités économiques de notre pays, avec son cortège de problèmes sanitaires, sociaux et de drames familiaux, le déconfinement se profile à l’horizon de ce mois sacré du ramadan, soit le 20 mai 2020 et nous ne savons pas à quoi nous attendre ni à comment reprendre un semblant de nos activités.

Les différents corps de métier feront le bilan de cette catastrophe unique dans les annales du monde civilisé. Nous allons, tous, nous  retrouver,  individuellement ou en groupe, désemparés, déstabilisés, désespérés, face  aux impayés, aux taxes et impôts, aux crédits, à la situation de nos employés, aux manques de liquidités, de commandes…Et là il ne va pas nous suffire d’être courageux, endurants ou optimistes pour nous mettre à la tâche ; il va falloir que  l’Etat, les pouvoirs publics qui ont fait preuve d’une diligence extraordinaire dans la lutte contre le Covid19, en prenant des mesures exceptionnelles, avec une intelligence rare pour contrer les effets dévastateurs de cette pandémie, se mobilisent et décrètent un état d’urgence économique s’étalant du 20 mai jusqu’au 31 décembre 2020.

Les subventions et autres injections d’aides financières qui pansent les blessures sans les soigner, seront toujours les bienvenues mais la clé de voûte de la remise en route de nos agences d’architectes et d’urbanistes, qu’elles soient personnes physiques ou morales, des entreprises du BTP et de leur cohorte de sous-traitants, d’artisans et d’ouvriers, tient en une simple proclamation des pouvoirs publics :

L’ETAT D’URGENCE ECONOMIQUE !

Le redémarrage ne peut se faire que si la pression fiscale se relâche et nous permet d’engranger avant de payer. Et pour ce faire, il y a des pistes, sachant que les Finances ont eux-mêmes besoin de moyens pour lutter contre la crise.

Fiscalité :

-Report des charges fiscales pour les taxes et impôts 2020 de 5 mois , soit jusqu’au 31 octobre 2020, sans pénalités de retard.

-Les contribuables qui s’acquitteront de ces charges, avant le 31 août 2020, bénéficieront d’un dégrèvement de :

10% pour les charges accumulées et inférieures à un million de dirhams.

5% pour celles supérieures à un million de dirhams.

-Les autres taxes et impôts des années précédentes ne subiront aucune variation et suivront leur cours normal.

Banques et Crédits :

Les banques et les organismes de crédit feront un effort d’accompagnement, pour faciliter le redémarrage :

-Les crédits, n’excédant pas cinq cent mille dirhams, avec des traites inférieures à dix mille dirhams par mois, pourront, sur demande, bénéficier d’un report de remboursement de 5 mois, sans pénalités, seuls les frais bancaires étant pris en compte.

-Les banques doivent accorder, avec des conditions avantageuses, taux de 1 à 1,5%, des petits crédits et facilités de caisse, aux PME, professions libérales, à hauteur de cinq cent mille dirhams, permettant la reprise des activités de leurs clients sérieux et solvables.

Contrats et paiements :

-Les contrats qui traînent depuis des mois chez les trésoriers et les institutions étatiques pour des raisons non pas budgétaires mais essentiellement de mauvaise gestion, de laisser-aller et de prétextes irrecevables, doivent faire l’objet d’une attention particulière des autorités et d’une sanction envers les responsables suivie d’un déblocage immédiat.

-Chaque ministère, organisme étatique ou semi-étatique sera comptable de ses manquements.

-Les honoraires et autres factures, en instances chez ces mêmes responsables, seront traités avec la même célérité.

Commandes, Concours et Consultations :

Pendant la période de confinement, les concours et consultations, lancés au détriment de l’égalité des chances et des possibilités de se déplacer des individus et des sociétés sont nuls et non avenus. Ils doivent être relancés après le 20 mai et dans les délais légaux.

-Les personnes ayant eu la chance et la possibilité de se retrouver à proximité des lieux de visites des sites et de dépôt des documents auront la possibilité de faire valider leur dépôt jusqu’à la prochaine date ou de retirer leur dossier pour l’améliorer ou le compléter.

(On ne peut pas avoir une politique de deux poids deux mesures.)

-Les commandes étatiques passées pendant la période de confinement, sous quelque forme que ce soit et qui n’ont pas trait à la lutte contre la pandémie, seront annulées et revues en fonction des besoins urgents.

Commissions, règlements et démarches administratives :

Ce chapitre, d’une importance capitale, pour les architectes et tout ce qui touche au BTP, prend en considération l’arrêt des chantiers depuis des semaines, la suspension de nombreuses commissions de voiries, l’absence de contacts avec les promoteurs et autres clients, le gel des activités des agences et les délais entre le jour J du déconfinement et la concrétisation de la reprise.

-Une circulaire du chef du gouvernement doit être adressée à tous les participants aux commissions d’études et d’autorisations des projets de construction :

-Les projets d’habitations, de logements individuels et de commerces dont le coût est inférieur à vingt millions de dirhams, seront traités dans des délais n’excédant pas deux semaines.

– Les commissions de voiries sont tenues de donner leurs avis dans les délais prescrits, l’absence d’un représentant d’un service, à la suite de sa convocation, ne doit pas empêcher la commission de statuer et autoriser sous réserve que le quorum soit atteint.

-Les remarques en cascades, c’est-à-dire nouvelles après satisfaction par le maître d’œuvre aux précédentes, ne seront pas permises.

-Pendant la période post-confinement et jusqu’à la fin de l’année 2020, les Wilayas, Préfectures, CRI et les Agences Urbaines, se verront attribuer des prérogatives exceptionnelles sous la houlette, exclusive, des walis pour accorder des dérogations et des autorisations pour la concrétisation de projets susceptibles de stimuler l’économie de la région du tourisme : industrie, tourisme etc.

La loi 66-12, sans rentrer dans tous les détails de cette loi qui pose plus de problèmes qu’elle n’en résout, doit être amendée par décret, par une procédure accélérée au niveau du parlement, mise en stand-by, pour une période d’au moins un an. Les chantiers sont à l’arrêt, la reprise se fera lentement mais un certain nombre d’allègements pourrait accélérer cette reprise :

-Le dépôt de plans modificatifs avec toute la masse de documents invraisemblables et des délais tout aussi invraisemblables, n’est pas justifié quand il s’agit de modifications intérieures, ne touchant pas aux structures ni aux façades ni aux zones d’empiétement et respectant les normes en vigueur pour le minimum des surfaces …

Il suffirait d’avancer dans le chantier et de déposer un plan de recollement, à la fin.

L’architecte et le maître de l’ouvrage étant responsables de tout dérapage.

 -Les projets, destinés initialement au public ou suite à un changement d’affectation, suivront la procédure normale.

-Dans la même logique, les attestations fiscales, exigées pour la participation aux concours et consultations, ne seront pas demandées pour l’année 2020, sous réserve que les autres années soient à jour.

Cette liste de mesures simples, rapides à mettre en application, pourra être complétée par les différents intervenants et les représentants des différentes professions, mais son but est de lancer un SOS aux pouvoirs publics et d’attirer leur attention sur un secteur sinistré mais pourvoyeur d’emplois et essentiel dans la reprise de l’activité économique.

Les architectes sont parmi les plus durement touchés par cette crise, les agences privées, pour la plupart en difficultés financières n’ont bénéficié d’aucune aide de l’Etat. Le décalage entre l’éventualité d’une commande à la fin du confinement, l’obtention d’une autorisation de construire et l’encaissement d’une infime partie des honoraires, se situe entre six mois et une année, en moyenne, d’où la nécessité urgente d’accompagner ces petites structures des mesures précitées.

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