Camel Souk – Marrakech

trésors ethniques et design au palais

Camel Souk

Et si le précieux ne dépendait que de nos yeux, de la façon dont nous regardons, dont nous ressentons ? Et si le rapport au temps se définissait par l’émotion, par la passion, par la façon dont nous le construisons ?

Vincent Jacquet, collectionneur et passionné par l’histoire des peuples nomades, rend les objets vivants pour créer un lieu vibrant.  En partageant avec nous son amour pour le monde de l’exploration, il nous apprend à cesser de parler pour contempler. Ainsi en est-il de Camel Souk, où Vincent s’en va chercher tout l’art contenu dans le geste, et seulement après, en fait une histoire. Vivre, puis se souvenir, ressentir puis dire, parfois écrire.

« Le plus bel artiste qui travaille ici c’est le temps. C’est cet artiste là que je cherche dans toutes les pièces, je cherche le travail que le temps a fait sur les objets. Pour moi le temps est un artiste extraordinaire », nous dit Vincent Jacquet. Il est là question d’investir dans le temps, de s’investir dans le temps pour qu’il ne s’efface jamais vraiment. Pour que même disparu, il demeure dans nos objets, dans les profondeurs de notre quotidien. Mais aussi, dans une trace souvent visible, ou même presque imperceptible.

Dès l’entrée, un doux parfum de dattes embaume l’air et invite au partage. On se sent alors complices du désir de toujours découvrir, de ne jamais fermer nos esprits aux nouveaux récits. C’est avoir le cran de voyager dans le relief de la réalité, ne jamais fermer nos cœurs a l’émerveillement.

Les passionnés d’art et de décoration pourront y piocher de belle collection de pièces rustiques tels que des créations délicates en céramique de Tamegroute connue pour son bel émail vert, des poufs tressées en cuir, ou un fauteuil en bois de tamaris. Une collection de tapis authentiques, faits main, s’y déploie dont les fameux tapis Beni Ouarain du Moyen-Atlas aux motifs graphiques noirs sur un fond couleur de neige éternelle ou les kilim de la région de Khmisset. Une grande collection de poterie sous toutes les formes se dresse dans un coin de pièce, une pure tradition marocaine transmise de générations en générations qui en fait un véritable art de vivre.

Pour les amoureux d’art africain, des pièces tribales triées sur le volet comme des statues et des masques africains, des échelles, des éventails colorés en wax ou même du savon et d’autres produits de beautés, font voyager en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Congo.

Aux côtés de ses pièces, on retrouve aussi tout un univers de l’explorations avec des objets vintages qui nous transporte dans le temps : malles, chaises en cannage, en bois ou en cuir, miroirs, ventilateur d’époque…

A la fin de votre visite, Camel Souk dresse sa table avec simplicité, créativité et gourmandise. C’est au tour de Faical Zahraoui de FzFactory d’être guide du voyage.

Camel Souk détient en lui une magie qu’il revient à nous seul de faire exister. Parce qu’il y a dans chaque fragment d’espace, dans chaque brèche de temporalité, quelque chose à deviner, quelque chose qui parfois nous émeut. Un morceau de banalité a côté duquel un autre serait passé sans être touché, mais qui peut en bouleverser d’autres.

L’émerveillement est une promesse suspendue, les indices de son surgissement sont omniprésents, même dans le ridicule, même dans le minuscule. 

Camel Souk, Marrakech.
Camel Souk, Marrakech.

Vincent Jaquet, directeur du Camel Souk à Marrakech

3 QUESTIONS POUR VINCENT JACQUET

A+E // Comment vous est venue l’idée du Camel Souk ?

Durant ces derniers mois, avec le contexte de crise sanitaire, j’ai eu le temps de prendre du recul sur mes affaires. Prendre du recul et de me dire aussi que j’avais envie de me diversifier dans ma vie professionnelle et puis d’aller jusqu’au bout de mes rêves.

En réalité, j’ai toujours été fasciné par la décoration, par les belles pièces, par la brocante et par chiner. Camel Souk a été simplement le résultat de tout cela. J’avais déjà depuis de longues années une grosse collection de vieilles portes du sud du Maroc et de vieilles poteries, et je me suis dit c’est le moment de mettre tout ça un petit peu en ordre et puis d’aller jusqu’au bout de mes rêves et de le faire. J’ai même pensé un moment, à suivre une formation de décorateur d’intérieur !

Mais bon, je me plais dans la décoration et dans le fait de partager ma passion du Sud, ma passion du Maroc, des belles choses, de l’artisanat, avec en même temps le côté relationnel. Le choix de Sidi Ghanem était évident et très intéressant. J’en ai profité aussi pour réinstaller, pour réorganiser les bureaux d’Inara et anticiper la reprise.

A+E // Quelle est la particularité du Camel Souk ?

Pour moi, il est évident qu’un concept un peu différent devait être créé. Et c’est pour ça que j’ai pensé à ouvrir ce restaurant boutique, ou boutique restaurant, à chacun d’y trouver son compte ! Sa définition du lieu pourrait être complètement innovante et mettre encore plus en avant l’idée du partage et d’hospitalité marocaine.

On casse un petit morceau au milieu de très belles pièces et cela marque la clientèle et crée une expérience singulière.

La particularité du Camel Souk est tout ce qui touche au sud du Maroc. Cela fait pratiquement 20 ans que je suis au Maroc et cela fait 20 ans que je suis amoureux du Sud. Je connais très peu le nord du Maroc. Tous mes voyages m’ont toujours mené dans le Sud. Et puis pour moi, c’est le Maroc que j’aime. C’est le vrai Maroc, complètement différent. Dès qu’on passe les montagnes de l’Atlas, les gens sont complètement différents. C’est là qu’on retrouve l’hospitalité légendaire marocaine.

Cela ne plait peut-être pas à tout le monde, mais pour moi, c’est vrai et c’est ce qui fait l’originalité du lieu.

A+E // L’objet le plus singulier découvert ?

Je pense que ce que me disent beaucoup de gens en rentrant, c’est qu’il y a déjà une âme dans ce magasin. Il y a une âme et moi, j’y crois parce que cette âme a l’air salé, instauré par toutes ces vieilles pièces qui sont là. Il y a quelque chose qui se dégage des pièces, des vieilles jarres, des vieilles portes, des vieux coffres, tout ça. Je les aime parce qu’ils racontent une histoire. Cette histoire se matérialise certainement dans une énergie qui fait que quand on rentre ici, on sent qu’il y a déjà quelque chose.

Et c’est vrai que le plus bel artiste, comme j’aime dire, c’est « le temps », celui que je représente. Si on peut dire que c’est une galerie d’art. Ici, l’artiste, c’est le temps. Ni plus ni moins.


ARTICLE PAR Kenza El Idrissi
CRÉDIT PHOTO

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