Interview avec Hamza Rachad, architecte d’intérieur et designer

HAMZA RACHAD

Oscillant entre artisanat traditionnel et esthétiques contemporaines, le cheminement créatif de Hamza Rachad s’articule autour de l’architecture mais également à travers la création de mobilier et plus récemment de l’expression artistique.

Son succès à la 1-54 Art Fair à Marrakech illustre cette harmonie subtile entre héritage et innovation, captivant tant par sa vision que par son savoir-faire.


A+E // Qu’est-ce qui a déclenché votre transition de l’architecture vers le design et la création de mobilier? En quoi cette nouvelle orientation a-t- elle enrichi votre parcours?

Hamza Rachad // Ma transition du domaine de l’architecture vers le design et la création de mobilier a été une évolution naturelle à la fois passionnante et exaltante. Initialement formé en architecture, j’ai par la suite exploré l’élaboration d’identités commerciales notamment de grandes maisons comme DIOR ou LOUIS VUITTON, ce qui m’a logiquement conduit au domaine de l’architecture d’intérieur.

Pour moi, ces différentes facettes de la profession sont étroitement liées : chaque échelle, de l’urbanisme à l’architecture intérieure s’imbriquent harmonieusement. C’est à mon retour à Marrakech que j’ai découvert, avec un regard neuf, le monde du design et de l’artisanat marocain.

Cette immersion m’a poussé à réaliser mon rêve de collaborer avec des artisans tout en apportant une perspective contemporaine, enrichie par mes expériences internationales.

Cette transition représente pour moi l’aboutissement d’un objectif de longue date : combiner mes compétences architecturales avec une nouvelle approche créative dans le domaine du design de mobilier haut de gamme.

A+E // Comment s’articule votre processus créatif dans le design de mobilier ? Quelles sont vos inspirations ?

H.R // Notre processus créatif s’enracine dans l’histoire ancestrale du Maroc, imprégnée de son artisanat. Chaque région, chaque ville contribue à notre palette artistique.

RACHADTM est fort d’une équipe pluridisciplinaire de designers, d’architectes et d’ingénieurs. Chaque projet se dessine grâce à cette convergence de compétences avec une volonté de créer ensemble.

À l’atelier attenant, des matériaux nobles comme le bois, le zellige et le marbre sont soigneusement exploités pour exprimer leur élégance naturelle. Enfin, le showroom est la vitrine où chaque création est exposée, reflétant notre univers et nos produits que chacun peut s’approprier grâce à la personnalisation.

Le mien, en tant que directeur artistique, est ancré dans une approche similaire à celle que j’emploie en architecture. Tout part de l’identification de problématiques spécifiques et de sources d’inspiration, sur lesquelles je m’appuie pour concevoir mes créations.

Cela dit, ce qui distingue le processus de conception de mobilier est l’ajout de phases de prototypage. Avant d’arriver au produit final, je m’engage dans des tests rigoureux pour affiner chaque détail.

Mes principales inspirations émergent souvent de l’observation du travail des artisans locaux.

Leurs techniques traditionnelles délimitent à la fois les possibilités et les contraintes, tout en stimulant ma créativité. Par exemple, en étudiant la façon dont les artisans manipulent le zellige, je découvre un vaste éventail de possibilités qui alimentent ma collection de mobilier avec une esthétique moderne et contemporaine. Je m’inspire également de certains courants modernes, qui prônent la fusion de l’art et de l’industrie pour créer des designs fonctionnels et esthétiques. Cette influence se reflète dans mon engagement à rechercher une esthétique épurée, fonctionnelle et intemporelle, tout en intégrant des éléments de modernité et d’innovation dans la fabrication de nos meubles.

A+E // Comment la création de mobilier interagit-elle avec votre expérience antérieure en architecture? En quoi cette synergie entre les deux domaines se reflète-t-elle dans votre travail?

H.R // La création de mobilier s’inscrit parfaitement dans le continuum de mon expérience antérieure en architecture. Chaque projet architectural que j’entreprends inclut naturellement la conception et l’intégration de mobilier adapté à l’espace. Cette synergie entre l’architecture et le design de mobilier se reflète dans mon travail par une approche globaliste et cohérente du design de l’espace. Chaque pièce de mobilier que je crée est conçue pour compléter et améliorer l’architecture environnante, tout en répondant aux besoins esthétiques et fonctionnels des occupants.

Mon expérience en architecture sert ma pratique du design de mobilier en assurant une intégration harmonieuse entre les deux domaines, tout en garantissant une expérience spatiale optimale pour ceux qui vivent ou travaillent dans les environnements que je crée.

A+E // Vous avez récemment participé à la 1-54 Art Fair, dans laquelle vous avez exposé votre première collection de tableaux intitulée « Warda ». Quelles sont les thématiques abordées ?

H.R // «Warda» est une série limitée d’œuvres uniques qui représente une exploration artistique fusionnant géométrie et figuration. Chaque tableau est élaboré à partir de 60 carreaux de ciment faits à la main, reposant sur des structures géométriques.

Chaque carreau, mélange de poudre de marbre, de ciment et de pigments, revêt des teintes significatives :

le vert olive évoquant la fraîcheur des oliviers, le jaune miel capturant l’éclat doré du soleil, et le rouge terracotta empreint des nuances riches de la terre. Ces teintes racontent notre histoire, tissant un lien entre l’œuvre et les éléments vibrants de Marrakech.

De cette harmonie colorée émerge notre première collection de tableaux, partant des formes élémentaires : le carré et le cercle. Transformées par des découpages réfléchis, ces formes donnent naissance à des silhouettes variées. Chaque tableau devient une toile dynamique, capturant la réinvention des formes simples.

Notre collection exclusive propose 8 fleurs : Narjis, Yasmine, Lilya, Camélia, Zahra, Rayhana, Lina et Dalia. Réalisées chacune en 8 exemplaires uniques, numérotés et authentifiés.

A+E // Vous avez choisi le médium du ciment pour cette collection. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

H.R // Le choix du ciment comme médium pour la collection «Warda» s’explique par mon long intérêt et mon expérience avec ce matériau.
Avant même la conception de cette collection, j’ai exploité le potentiel du ciment dans mes projets architecturaux en raison de sa versatilité et de sa capacité à fusionner graphisme et structure.

Le ciment offre une toile idéale pour exprimer ma vision artistique, permettant la création de formes et de motifs complexes.

Dans le cadre de «Warda», j’ai cherché à bousculer les conventions en utilisant le ciment pour sculpter des compositions florales, offrant ainsi une perspective innovante sur ce matériau traditionnellement associé à des applications plus fonctionnelles.

A+E // Quels sont vos projets futurs ou les directions que vous envisagez d’explorer dans votre pratique artistique ?

H.R // À ce jour, mon principal objectif est d’optimiser notre atelier pour soutenir notre vision créative et notre croissance. Nous avons récemment ouvert notre showroom conçu provisoirement dans l’esprit d’une

galerie d’art, offrant un aperçu de notre collection en expansion.
Nous sommes encore en phase de prototypage et de perfectionnement, cherchant à renforcer notre réseau d’artisans et à élargir nos capacités de production.

À terme, nous aspirons à un studio complet, réunissant une équipe multidisciplinaire de designers, d’architectes et d’ingénieurs, travaillant en symbiose avec notre atelier où les matériaux sont façonnés.

Ce processus évolutif témoigne de notre détermination à découvrir de nouvelles perspectives dans notre pratique artistique, tout en rendant hommage aux traditions artisanales que nous chérissons tant.


ARTICLE PAR SALMA AFIRAT
CRÉDIT PHOTO STUDIO RACHAD

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