Qui mieux que Hanae Bekkari pour parler de l’architecte et enseignante Salima El Mandjra ? Amies et complices de toujours, elles partagent avec une rare connivence l’amour de l’écriture et l’exaltation des mots qu’elles s’amusent à en rogner les détours.
Saisissements, un petit livre gris, couleur et poids du béton !
On pénètre dans le minimalisme d’un jardin japonais, tout y est pensé, réfléchi, le monde est réinterprété en petit format, c’est un jardin qui invite à la contemplation et la recherche de la vérité.
Amusés par le petit format et les petits croquis, on l’a lu à deux. Je lisais à haute voix, et le titre résonnait comme un gong, un long silence s’ensuit.
La phrase est un ruisseau limpide qui utilise des mots simples mais prend la tournure d’une énigme, plusieurs interprétations sont possibles, le tout se décompose en prose philosophique.
Les dessins sont des tableaux, ils sont remplis de sens et transmettent des sentiments, je les imagine tableaux de grande dimension, de la taille d’un Bennani ou d’un Gharbaoui, à contempler et avec lesquels on peut discuter.
Nos yeux brillaient à chaque fin de phrase ! les pages blanches miroirs, en guise de conclusion, suscitent le désir d’y asseoir des mots ou des images.
Feuilleter les pages, donne à voir un petit film avec les cercles qui s’élargissent et se referment, un jeu amusant pour les enfants !
Puis, je l’ai refermé avec délicatesse, la sensation d’avoir, entre les mains, un ouvrage grand format, d’une douceur infinie.
Et puis, et puis,
J’ai doucement et longuement pleuré au creux du silence. Les mots et les maux te secouent et te transpercent, toute ton âme est secouée, pourtant les phrases sont courtes, les mots sont simples.
La voix du muezzin s’élève, c’est l’aube ! Un autre jour commence …en silence.
Lire Salima El Mandjra, c’est déceler un vocabulaire architectural, c’est accompagner l’architecte dans la démarche du projet, avec des concepts arrêtés, des orientations claires, et des sentiments ressentis.
Le client est roi, le lecteur est l’usager de l’espace de lecture, son confort est recherché, et sa participation exigée, il est invité à réfléchir, entre les phrases, et avant de tourner la page. L’auteur s’adresse à une diversité d’usagers, de l’enfance au 3ème âge, elle invite à écouter, à rentrer en soi, le silence est parlant.
Et puis les mots, réfléchis, choisis sont justes, le sens des mots te traverse et te laisse sans voix. Et pour illustrer, pour parler autrement, les croquis, les dessins, s’inscrivent dans ce monde, ils sont planètes, comètes, soleil, ou géométrie qui s’amuse avec le cube, le trait et le point jusqu’au pointillisme.
Le cercle de vie se compose et redécompose, en noir et blanc, du point qui englobe toute la foule ou qui s’inscrit dans le cercle, au point étoile qui s’isole et contemple de loin.
Cette nouvelle forme d’écriture est un tissu urbain, où toute une vie y défile, on y entend la voix de la foule, et des paroles qui fusent, puis la musique rythmée par la nuit noire, profonde et silencieuse, un monde effervescent rempli de solitude.
Les deux petits opuscules de Salima El Madjra « Saisissements » et « Au creux du silence » sont disponible chez www.livremoi.ma