Pourquoi j’ai fait archi ? Anas El Himdi

Entre mémoire des lieux et fabrique du futur, Anas El Himdi incarne une vision engagée et sensible de l’architecture. Formé entre Rabat et Paris, il conjugue maîtrise technique, respect du patrimoine et compréhension des dynamiques urbaines. À travers la vision qu’il déploie au sein de son agence AEH ARCHITECTURE, il défend une pratique contextuelle et poétique, où chaque projet devient un trait d’union entre l’âme du lieu et les pulsations contemporaines.


A+E // Présentez-vous-en quelques mots et parlez-nous brièvement de votre parcours professionnel.

Anas El Himdi : Je suis architecte marocain, formé à l’École Nationale d’Architecture de Rabat, puis à l’ESTP Paris où j’ai complété mon parcours par un Mastère Spécialisé en Maîtrise d’Ouvrage et Gestion Immobilière. À la croisée des cultures, des échelles et des disciplines, j’ai développé une approche qui conjugue rigueur du projet contemporain et respect des héritages bâtis.

En tant que responsable de programmes pour une partie du quartier des athlètes des Jeux Olympiques de Paris 2024, j’ai participé à la conception d’un morceau de ville exemplaire, ancré dans le présent mais pensé pour le futur. Cette expérience a nourri mon regard sur les dynamiques urbaines, les temporalités du projet, la complexité des usages et la réversibilité des fonctions des espaces.

Parallèlement, j’ai cultivé une expertise approfondie dans le domaine du patrimoine architectural. Je m’attache à révéler la valeur des édifices anciens à travers des interventions sensibles et exigeantes. Qu’il s’agisse de réhabilitation, de restauration ou de reconversion, je conçois l’acte architectural comme un dialogue subtil entre passé et avenir, où chaque matière, chaque trace, chaque vide devient source d’inspiration. Ma démarche vise à préserver l’âme des lieux tout en les inscrivant pleinement dans leur époque, avec un profond respect des savoir-faire, des techniques traditionnelles et des contextes culturels.

En 2021, j’ai fondé AEH ARCHITECTURE, une agence née du désir d’apporter des réponses concrètes et inspirées aux enjeux de la ville, des espaces à vivre et des équipements publics ou privés. Mon architecture se veut contextuelle, lisible et poétique, habitée par une attention constante à la lumière, aux usages et à la mémoire des lieux. À travers chaque projet, je cherche à tisser un lien juste entre territoire, identité et modernité.

A+E // Comment définiriez-vous le rôle de l’architecte aujourd’hui ?

AEH : L’architecte d’aujourd’hui est tout d’abord un funambule : Il ne construit pas seulement des murs, il façonne des silences, encadre des vues, capte le vent et sculpte le vide. Son rôle n’est plus uniquement technique, il devient un chorégraphe d’émotions, un scénographe de la vie quotidienne, et un sculpteur urbain par excellence.

A+E // Si vous deviez expliquer pourquoi vous avez choisi l’architecture comme métier, quelle image utiliseriez-vous ?

AEH : Si je devais expliquer pourquoi j’ai choisi l’architecture, je parlerais d’un rêve ancien : celui de donner une forme aux pensées, de rendre habitables les émotions, de traduire le silence en espace. L’architecture est, pour moi, la seule discipline qui permet à l’abstraction la plus pure de s’incarner dans le monde tangible. Elle est cette frontière floue entre l’idée et la matière, entre le geste intérieur et le lieu construit. C’est une poésie qui ne se lit pas, mais que l’on traverse ; une peinture sans cadre, une sculpture que le temps habite, une musique que l’on écoute avec le corps.

Je l’ai choisie parce qu’elle me permet de construire des sensations, de capturer une lumière du matin sur un mur blanc, de prolonger une ligne d’horizon dans un plan de façade, de faire entrer le vent dans une cour oubliée. Elle est à la fois rigueur et liberté, science et mystère, contrainte et fugue.

Être architecte, c’est porter en soi le regard de l’artiste et la responsabilité du bâtisseur. C’est composer avec l’invisible pour donner naissance au visible. C’est comprendre que chaque vide a une densité, que chaque mur peut raconter une histoire, que chaque lieu peut apaiser, élever ou éveiller.

A+E // Quel autre métier auriez-vous aimé exercer ?

AEH : Si je n’avais pas choisi l’architecture, je me serais tourné vers la recherche scientifique. Non par opposition, mais par affinité profonde : celle du questionnement, de l’observation fine, de la quête de sens à travers le détail. La recherche, comme l’architecture, exige patience, humilité et intuition. Elle explore l’invisible, interroge les structures cachées du monde, et tente de leur donner une lecture intelligible.

A+E // Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes futur(e)s architectes ?

AEH : Mon conseil pour les jeunes futur(e)s architectes serait d’aborder cette profession avec une profonde humilité. L’architecture n’est pas un acte de maîtrise, mais une quête d’équilibre entre imagination et réalité. Il est essentiel de rester curieux, d’apprendre de chaque expérience et de chaque projet, en n’oubliant jamais que l’on construit pour les autres et avec les autres. L’humilité permet de mieux écouter, de mieux comprendre et d’enrichir nos visions. Soyez à l’écoute des espaces, des lieux et des contextes, mais aussi de vous-mêmes, car l’architecture est aussi une forme de dialogue intérieur.

A+E // Qu’avez-vous à dire aux jeunes architectes diplômés à l’étranger qui hésitent à rentrer exercer au Maroc ?

AEH : Le pays vit une période de transformation sans précédent, avec des projets d’envergure comme la Coupe du Monde 2030, qui marqueront une étape décisive dans son développement urbain et architectural. Ce sont des occasions uniques de contribuer à l’émergence de nouvelles infrastructures, de penser la ville du futur, et de participer à la construction d’un pays en pleine ascension.

Le Maroc est un pays en plein émergence, qui s’ouvre de plus en plus à l’international, tout en cherchant à préserver son identité culturelle et historique. L’architecture, aujourd’hui plus que jamais, joue un rôle clé dans cette transformation. Le pays a besoin de jeunes architectes visionnaires, armés de compétences globales, pour répondre aux défis de demain.

Rentrer au Maroc, c’est être acteur de cette émergence, et c’est participer à l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire architecturale du pays.

A+E // Quel changement majeur pensez-vous qu’il serait nécessaire de faire dans le domaine de l’architecture au Maroc ?

AEH : Il est nécessaire de faire évoluer les mentalités dans le domaine de l’architecture au Maroc. Il faut abandonner l’idée que l’expérience se mesure uniquement par l’âge ou l’ancienneté, et comprendre que les compétences professionnelles doivent être évaluées sur la qualité de la réflexion et de l’innovation.

De plus, cette vision devient de plus en plus émergente chez certains maîtres d’ouvrage qui ont fait confiance aux jeunes architectes, et qui ont vu leurs choix couronnés de succès. Les jeunes architectes ont un rôle clé à jouer, et leur vision contemporaine mérite d’être valorisée sans qu’ils aient à prouver leur légitimité par une longue carrière.


Sans transition :

A+E // Le métier d’architecte en une couleur ?

AEH : Bleu, symbole de la réflexion et de la profondeur

A+E // Le métier d’architecte en une citation ou proverbe ?

AEH : « Je sculpte mes bâtiments au bord de l’excès et je reviens sans cesse au fonctionnalisme comme à un garde-fou. » ALVARO SIZA

A+E // Si l’architecture était un son ou une mélodie, lequel choisiriez-vous ?

AEH : SODADE de CESARIA EVORA

A+E // Le métier d’architecte en une émotion : laquelle vous vient en tête ?

AEH : Curiosité : Nous sommes tout le temps curieux à découvrir.

A+E // Si vous deviez décrire l’architecture avec un parfum ou une odeur, lequel serait-il ?

AEH : L’odeur de la première pluie : çà représente l’odeur du nouveau, du frais et du vivant.

A+E // Quelle saison représente le mieux l’architecture selon vous, et pourquoi ?

AEH : L’automne, une saison de transition et de transformation.

A+E // Le métier d’architecte en un poème : lequel choisiriez-vous ?

AEH : « La terre » de Charles Baudelaire quand il évoque : « La terre est un vaste atelier où l’on forge le Destin ».

A+E // Pour vous, l’architecture, c’est avant tout… ? (Complétez avec un mot ou une phrase)

AEH : Un dialogue entre l’homme et son environnement !

Propos recueillis par Yasmina Hamdi


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