Casablanca est une ville manifeste. Née au croisement d’un modernisme européen audacieux et d’un héritage marocain profondément enraciné, elle déploie une grammaire architecturale singulière, presque cinématographique. Pour cette nouvelle édition des Journées du Patrimoine, l’association Casamémoire choisit de braquer les projecteurs sur son âge d’or : l’Art déco. Cinémas aux courbes théâtrales, immeubles d’habitation à la rigueur graphique, vestiges industriels sublimés par la patine du temps… La ville se révèle dans toute sa complexité visuelle et émotionnelle.
CASABLANCA, CAPITALE ART DÉCO AUX MILLE VISAGES
Voici sept bâtiments emblématiques, autant de fragments d’histoire, qui racontent l’élégance géométrique et la diversité d’un patrimoine que le monde entier nous envie :
1 // LE CINÉMA RIALTO
Construit en 1929 par l’architecte Pierre Jabin, le cinéma Rialto est l’un des plus anciens et emblématiques de Casablanca. Avec sa façade sobrement géométrique et ses lignes verticales marquées, il est un parfait exemple d’Art déco appliqué aux salles de spectacle. À l’intérieur, le lieu conserve encore ses balcons et son ambiance rétro qui rappellent l’âge d’or du cinéma. Situé en plein centre-ville, il continue d’accueillir projections et événements culturels, restant ainsi un témoin vivant de la Casablanca des années 30.
2 // L’IMMEUBLE LA PRINCIÈRE
L’Immeuble La Princière, situé au 55 rue Driss Lahrizi (anciennement rue Gallieni) à Casablanca, est un exemple remarquable de l’architecture Art déco des années 1920. Conçu par l’architecte français Alexandre Cormier, cet édifice illustre la transition vers des formes plus épurées et fonctionnelles, caractéristiques de cette époque. L’immeuble La Princière présente des éléments typiques du style Art Déco, tels que des façades symétriques, des balcons en fer forgé et des ornements sculptés qui témoignent de l’influence de l’Art déco sur l’architecture casablancaise de l’époque. Ce bel écrin classé au patrimoine architectural de la ville, demeure alors un témoignage précieux de l’histoire urbaine de Casablanca.
*Petite confidence : derrière la façade de l’immeuble La Princière, un escalier tapissé de miroirs mène à un café discret niché à l’étage. Là, à l’abri des regards, se cache aussi un club d’échecs, fréquenté par les esprits affûtés de tous âges.
3 // L’IMMEUBLE GLAOUI
Erigé entre 1922 et 1927 par les architectes Marius Boyer et Jean Balois pour le Pacha de Marrakech, cet immeuble Art déco est l’un des plus remarquables du boulevard Mohammed V. Sa façade monumentale se distingue par une colonnade en marbre reliant les deuxièmes et troisièmes étages, surmontée d’une galerie protégée par un moucharabieh en ciment.
Les entrées, mises en valeur par un traitement vertical sur trois travées, mènent à un passage commerçant ponctué de rotondes vitrées. Antoine de Saint-Exupéry y séjourna avec son épouse, ajoutant à l’édifice une touche historique.
4 // L’IMMEUBLE DU GRAND BON MARCHÉ
Conçu par les architectes Edmond Brion, Auguste Cadet et Marcel Desmet, ce bâtiment se distingue par l’élégance de sa composition architecturale et la richesse de ses détails décoratifs. Son corps central, dominant les passages Sumica et Grand-Socco, s’élève avec grâce sur trois travées, chacune coiffée d’une toiture à pans coupés formant de remarquables frontons ornés de mosaïques de grès aux reflets métalliques bleus et verts. Ces mêmes mosaïques décorent les sous-faces des galettes qui surplombent les balcons, ajoutant une touche de raffinement à l’ensemble.
De part et d’autre, les volumes en retrait s’achèvent en gradins sur trois niveaux, créant un jeu de profondeur subtil. Au cœur de l’îlot, les passages convergent sous une verrière qui laisse pénétrer la lumière naturelle, portée par une structure fine de fers plats, offrant ainsi un espace lumineux et harmonieux.
5 // L’IMMEUBLE PAPPALARDO
L’Immeuble Pappalardo, situé au cœur du quartier central de Casablanca, est l’un des joyaux méconnus de l’architecture moderniste de la ville. Construit au cours des années 1950, il est attribué à l’architecte italien Giovanni Pappalardo, qui y imprègne une forte influence rationaliste. L’immeuble est reconnaissable à ses lignes géométriques nettes, ses volumes simples et fonctionnels, ainsi qu’à ses éléments de façade qui traduisent une recherche d’équilibre entre esthétique et utilité. Il constitue un exemple emblématique de l’adaptation des courants modernistes européens au contexte urbain casablancais.
6 // L’ATLAS HÔTEL
L’Hôtel Atlas, situé rue Khoribga (anciennement rue Émile Zola) à Casablanca, a été conçu par l’architecte français Marius Boyer entre 1922 et 1923. À son ouverture, il était le plus grand hôtel de la ville, symbolisant le dynamisme et l’ambition de Casablanca sous le Protectorat français.
7 // L’IMMEUBLE DE LA COMPAGNIE TRANSATLANTIQUE
Construit en 1929 par l’architecte Edmond Gourdain, le bâtiment de la Compagnie Générale Transatlantique, fondée en 1855 par les frères Émile et Isaac Péreire, illustre une alliance réussie entre modernité architecturale et références culturelles locales. Conçu avec une structure contemporaine, l’architecte a su y intégrer avec finesse des éléments décoratifs inspirés de l’art marocain : des festons de tuiles vertes, des teintes ocrées évoquant les maisons traditionnelles, ainsi que des ornements rappelant les délicates sculptures sur plâtre réalisées par les artisans.
La base du bâtiment est soulignée par une pierre plus fortement teintée, tandis que les galeries sont soutenues par des colonnes de marbre prismatique.
L’ensemble est complété par de larges ouvertures, des balustres de pierre, des ferronneries modernes et, en retrait au dernier étage, un couronnement de pergolas qui apporte à l’édifice une touche à la fois élégante et agréable.
