Mots et concepts des villes chinoises

De la mobilité à l’accessibilité

Arte Charpentier

Le langage peut être perçu comme un phénomène social à travers lequel s’expriment et se transmettent les pensées d’une civilisation et d’une culture. C’est dans cette optique qu’est né ce lexique sino-français. À travers les mots traduits et expliqués en français, ce lexique permet de saisir les multiples facettes politiques, économiques, culturelles et sociales des villes chinoises. Il est crucial pour les concepteurs d’exploiter cette richesse pour améliorer la conception des espaces urbains. Cette première thématique, axée sur la mobilité, propose une sélection de termes choisis pour leur pertinence dans deux contextes culturels distincts, ou pour leur importance réglementaire et technique.


L’ÉCHELLE DE LA VILLE

Crédit photo : © Arte Charpentier

On ne peut aborder la ville chinoise sans commencer par sa métrique. Avec son arsenal de normes et de ratios, elle constitue le cadre générateur de la production urbaine. Sa vaste échelle, bien plus grande que celle de nos villes européennes, exige également l’élaboration de méthodes de conception spécifiques. 

En Chine, la distance inter-station est plus courte dans le centre-ville et plus longue dans les banlieues, mais la distance inter-station moyenne est généralement plus longue que dans le cas français ; la distance de 1,5 km à Pékin est trois fois plus longue qu’à Paris. La planification réglementaire chinoise structure la maille selon un double principe, à la fois aréolaire et de connexion. Ces connexions se traduisent par des réseaux de voiries des plus structurantes au plus locales, et plus récemment dans certaines villes, par la création de réseaux de métro dont les lignes mesurent entre 15 et 20 km.

LA PLACE DU PIÉTON

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Malgré l’essor de l’automobile et de l’usage des transports en commun, la marche reste le mode le plus utilisé dans les villes chinoises. Si la préservation de ce mode « lent » et écologique est de plus en plus perçue comme essentielle par la puissance publique chinoise, la prise en compte de la place et de l’échelle du piéton dans la ville reste néanmoins un défi.

Une attention au confort du piéton est très fertile pour les projets. Inciter et préserver la marche requièrent une attention à de nombreux paramètres : la réduction des distances à parcourir, le sentiment de fluidité et de sécurité des parcours à l’image de « l’interconnexion commode » des gares, la limitation des efforts imposés par les grandes traversées, les passerelles aériennes ou les tunnels, et la qualité de l’environnement comme la présence d’ombrage ou de trottoirs larges. 

LE PAYSAGE DE LA RUE

Crédit photo : © Arte Charpentier

Malgré l’importance socio-économique et culturelle de la rue asiatique, le paysage de la rue est longtemps resté un impensé de l’urbanisme réglementaire chinois. L’émergence du projet urbain en Chine interroge la rigueur des principes techniques et économiques de l’aménagement quant à leur capacité d’adaptabilité et les ambitions de valorisation du cadre de vie urbain.

L’aménagement des rues des villes contemporaines chinoises est une conséquence d’une approche économique et sectorielle de l’urbanisme, et non un élément conçu spécifiquement. Le partage des périmètres d’intervention des acteurs publics et privés opéré par la « ligne rouge », et les principes réglementaires qui y sont associés, vont à l’encontre d’une conception d’ensemble du projet et de son intégration à son contexte. 

De plus, le dimensionnement au plus juste des gabarits et des emprises prédestinées (chaussée, piste cyclable, trottoir…) ne permet pas d’introduire de nouvelles fonctions et usages pourtant indispensables comme, par exemple, la gestion écologique des eaux pluviales ou une plus grande générosité dans les cheminements et les aménagements piétons. Des arbitrages doivent alors être faits entre la modification des emprises ou la répartition des aménagements entre espaces publics et privés.

LA VILLE EN PARTAGE

Crédit photo : © Arte Charpentier

Le mode de consommation change radicalement avec le développement des réseaux numériques : plutôt que d’être propriétaire de son mode de transport, on en consomme un temps d’usage, plutôt que de se déplacer dans les magasins, on achète en ligne et on consomme du temps libre. La place du commerce en ville ou encore la logistique urbaine, sont quelques-uns des nombreux enjeux que cela soulève.

En réponse à ces évolutions de pratiques de consommation, la zone commerciale devient ainsi davantage un lieu d’expérimentation et de loisirs qu’un lieu d’achats. En parallèle, les petits commerces bénéficient d’une vitrine immatérielle sur les réseaux sociaux et ne nécessitent plus d’être visibles dans l’espace urbain : ceci rend flexible leur localisation, qui peut tout aussi bien être dans une rue calme résidentielle qu’au vingtième étage d’une tour. En effet, si la voiture en vient à être davantage partagée entre plusieurs utilisateurs que possédée par un seul, de nouvelles possibilités d’optimisation et de mutualisation des espaces qui lui sont dédiés s’ouvrent.

Ce lexique révèle, à la manière d’un arrêt sur image, certains traits de la mobilité chinoise contemporaine, et les réalités physiques, spatiales et sociales qui la caractérisent. Il révèle la nécessaire transition entre une approche technique orientée flux et mobilité, vers une approche qui interroge la qualité et le potentiel de la fabrication de la ville en matière d’usages et d’accessibilité.

ARTICLE PAR La rédaction
CRÉDIT PHOTO © Arte Charpentier

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