DARGIL, de la boue à l’architecture en terre

Les contraintes énergétiques et climatiques mondiales auxquelles nous sommes confrontés nous incitent à remettre en question le système industriel de la construction, pour explorer des alternatives qui font sens pour le Maroc. Les multiples avantages de la construction en terre résonnent aussi bien avec les enjeux environnementaux actuels, qu’avec le devoir de l’architecte de maintenir et faire perdurer les cultures constructives locales.


DARGIL est une fabrique de matériaux écologiques pour la construction. Le projet est né à Beni Mellal dans le cadre d’une mission menée par l’architecte Mamoun Kadiri Hassani pour l’usine SABTA. Cette collaboration a abouti au lancement d’une unité de production de Blocs de Terre Comprimée, et à la réalisation de bâtiments démonstrateurs. Les boues de lavage rejetées par l’usine, habituellement considérées comme un déchet, sont ici valorisées et transformées en un matériau de construction écologique, aux multiples avantages : recyclable, sobre en énergie, confortable, à forte inertie thermique, régulateur hygrométrique, isolant phonique.

Au croisement entre l’architecture et l’industrie, le projet DARGIL a vocation à poursuivre la recherche et l’exploration de solutions constructives basées sur les matériaux issus de ressources locales, à faible énergie grise, adaptées aux différents territoires marocains et aux outils modernes de la construction. Ce projet participe d’une démarche de sobriété dans l’architecture, en réponse à un constat : celui de la dépendance énergétique excessive du secteur marocain de la construction.

En effet, 90% de l’énergie finale consommée par le Maroc est une énergie fossile (non renouvelable) et importée. Le pétrole en représente 74%. Or la production mondiale de pétrole atteindra son pic avant 2030, d’après l’Agence Internationale de l’Energie[1]. Cela veut dire concrètement que tous les usages basés sur la consommation de pétrole (dont la fabrication de ciment, de l’acier, …) seront amenés à décroître. En particulier, le secteur de la construction au Maroc souffre d’une dépendance extrême au pétrole, d’une façon directe (importation de pétrole pour fabriquer du ciment, transporter les matériaux) et indirecte (importation de matériaux fabriqués à l’étranger tels que l’acier, l’aluminium, …). La fabrication du ciment, à elle seule, représente près de 7% de l’énergie finale consommée par le pays.

Le projet DARGIL s’est poursuivi à travers la réalisation de bâtiments démonstrateurs. Tout d’abord, une coupole qui emploie le matériau Béton de Terre Comprimée en toiture. Par la suite, un showroom de 37 m² incluant tous les équipements fonctionnels (plomberie, assainissement, électricité, …) qui a permis de montrer la possibilité d’usage structurel des BTC en murs porteurs (45 cm d’épaisseur), avec une finition intérieure contemporaine. Plus récemment, un pavillon de 10 m² a été réalisé à l’occasion d’un workshop avec les étudiants, à l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat. Ce pavillon expérimente un système de renforcement parasismique alternatif au béton armé, adapté aux murs porteurs en terre.

Construire avec des Blocs de Terre Comprimée (BTC) n’est pas une finalité, mais une porte d’entrée pour la construction éco-responsable, une façon de rassurer les professionnels de la construction en leur disant : voici un matériau prêt à l’emploi, testé, livré sur chantier, en palettes, que vous pourrez mettre en œuvre comme vous le feriez avec une maçonnerie ‘’conventionnelle’’. Dans un premier temps, l’idée est de faire découvrir aux concepteurs les principes de la construction en terre, sans rupture brutale avec les pratiques habituelles. À terme, l’objectif est beaucoup plus ambitieux : il s’agit de trouver des alternatives aux structures énergivores (notamment le béton armé), à travers des techniques de mise en œuvre de matériaux naturels, telles que le pisé. Acheter moins de matière, et plus de main d’œuvre, signifie qu’on redirige la valeur économique vers l’humain et ses savoir-faire, plutôt que vers le pétrole et la surconsommation. Le bilan est vertueux à tout point de vue : social, économique, environnemental, humain, culturel, et même civilisationnel.


BIOGRAPHIE

Portrait Mamoun Kadiri Hassani

Mamoun Kadiri Hassani est un architecte spécialisé en écoconstruction, diplômé HMONP de l’ENSA Paris-Val de Seine. Il a mené une série d’expérimentations sur la construction en terre à Beni Mellal, allant de la fabrication du matériau (BTC) jusqu’à la mise en œuvre. Il a co-réalisé le documentaire « De terre et d’eau » qui explore le patrimoine marocain de l’architecture de terre, à travers des rencontres avec des spécialistes porteurs de projets contemporains. Il obtient un Diplôme Supérieur en Architecture du Patrimoine à l’ENA de Rabat en partenariat avec l’école de Chaillot, une formation à travers laquelle il développe un regard analytique sur les systèmes constructifs sobres en énergie (pisé, adobe, maçonnerie de pierre, etc.).


[1] Source : International Energy Agency, Oil 2023 Analysis and forecast to 2028


FICHE TECHNIQUE

MAÎTRE D’OUVRAGE :SOCIETE SABTA
ARCHITECTE :MAMOUN KADIRI ARCHITECTE
Situation du projet :BEZZAZA, PROVINCE DE BENI MELLAL
SUPERFICIE DES PLANCHERS :37m²
DATE DE DÉMARRAGE DES TRAVAUX :JANVIER 2023
DATE DE FIN DES TRAVAUX :SEPTEMBRE 2023
PROGRAMME :SHOWROOM, BUREAU

GALERIE PHOTOS DU PROJET

ARTICLE PAR Mamoun Kadiri Hassani
CRÉDIT PHOTO © Makarchitecte

Les plus lus

# à lire aussi

25ème Festival international de jardins « Jardins de Métis » – Canada

La 25ème édition du Festival international de jardins est...

Radisson Hotel Group : vers le Net Zero avec des initiatives primées au Maroc

Le Radisson Hotel Group célèbre les avancées significatives de...

Mémorandum signé avec NUTI IVO pour une tannerie moderne au Maroc

Un mémorandum d'entente a été signé à Rabat avec...

LafargeHolcim Maroc s’engage pour la durabilité des structures en béton

LafargeHolcim Maroc a réuni à Bouznika un séminaire crucial...

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page!