Hommage à Jamal Boushaba

BOUCHRA ALAMI

J’ai connu Jamal Boushaba, la tête pleine de rêves et pour le moins, bien faite. Il savait où il allait et d’une certaine manière, il y était déjà.

Il était alors très jeune et dénotait totalement par son style, sa culture, sa vision, le tout sur fond d’humilité et de pudeur qui frôlaient la timidité. Il était craquant. Il incarnait parfaitement « Les alignés » son journal d’avant-garde qui se lisait de bout en bout, nous laissant chaque fois sur notre faim.

Nous sommes début des années 90. Jamal était élitiste sans le savoir, sans forcer le trait. Il participait d’une frange intelligente et stimulante de la scène casablancaise. On faisait la noce. Les soirées étaient riches et éclectiques. Jamal en col roulé noir, ambiance londonienne, était atypique et universel.

A cette époque de sa courte vie, il était à ses début et pourtant, déjà au sommet de ce qui allait être une grande et parfois douloureuse aventure. Oui, la suite n’a pas été simple, linéaire. Avec le temps, il a fait le job, fait ses jobs et a dû se battre pour cela. Cet esprit libre, ce talent pur doublé une vision moderniste , originale et enracinée n’était pas toujours à sa place. Il s’était en effet amoureusement pacsé avec le parent pauvre de nos sociétés, la culture. Ce qui en soi est un véritable chemin de croix. Mais avec le temps il était devenu essentiel, parce qu’il était bien le seul, l’unique à détenir les clés et être la passerelle incontournable entre le monde des arts et son réceptacle, le public. Charismatique, fondamentalement bon, mais chiant quand ça lui chantait, de dandy, il est passé à diva de son milieu. Et il le valait bien, parce qu’il était rare. Il aurait été parfait dans l’Angleterre victorienne. De même, Il aurait sans doute été plus épanoui, à Madrid, Lisbonne, mais c’est ici, à Casablanca qu’il s’est posé et imposé, pour ses racines, pour l’amour qu’il vouait à sa famille et ses ami.e.s.

Nous nous portions une tendresse mutuelle depuis notre rencontre, sans pour autant l’exprimer.

De temps en temps, on se prenait la tête, pour le sport, pour montrer qu’on est encore bien vivants.

Qu’il repose en paix.

ARTICLE PAR BOUCHRA ALAMI
CRÉDIT PHOTO JEAN-CLAUDE LAFFITTE

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