Le jardin en soi : entre immersion et disruption

Cultiver les graines du possible

AMINA AGUEZNAY - JOANA CHOUMALI - GHIZLANE SAHLI

Quel projet profondément ambitieux que d’être soi, dans un monde où les règles qui nous éteignent sont déguisés en choix qui nous étreignent. Quel défi permanent de porter la flamme de nos convictions, sans encourir le risque constant de se brûler les ailes. Mais n’est-il pas préférable de se brûler, plutôt que de se consumer ? N’est-il pas préférable de se choisir plutôt que de s’abandonner ? N’est-il pas préférable de perdre ce que l’on a, plutôt que de perdre ce que l’on est ? Qu’ils sont passionnants ceux qui ont osé l’irrévérence.

Se positionnant à ses débuts comme une exposition sur l’art textile, elle s’est vu prendre une tournure plus intimiste après l’expérience du confinement. « Le jardin en soi » célèbre l’audace d’Amina Agueznay, Joana Choumali et Ghizlane Sahli, d’être soi. Parce que le plus grand des courages n’est rien d’autre que de tendre l’oreille vers ce qui hurle à l’intérieur de nous, la Loft Art Gallery de Casablanca nous invite à explorer nos eaux troubles.

Il est probable que la plus belle œuvre que chaque être humain soit en mesure de réaliser soit celle qu’il aura à créer à partir de lui-même. Pour les trois artistes de cette exposition collective, le « soi » se matérialise par le biais du tissu, cette « couche qui nous sépare du monde extérieur ». Crochetée, tissée ou brodée, de soie ou de laine, la composition des œuvres est le récit d’une quête d’un absolu. Ou pour reprendre la pensée de Michel Foucault, la quête de l’hétérotopie. Le jardin comme métaphore désigne la découverte de ce qu’il y a en nous, c’est ce passage de la résignation à la résilience, de la détresse à l’acceptation puis à l’action.

Aller à la découverte du soi, c’est être envahi par le désir brûlant, vif et ardent de transcender ce qui nous est douloureusement imposé. C’est oser faire confiance à ceux qui nous tendent la main, même si l’on sait qu’il reviendra à nous seul de faire le chemin.

Pour Joana Choumali, son recours au textile est né d’un besoin de passer davantage de temps avec ses œuvres. En cultivant la pratique de la broderie qui lui a été transmise par sa grand-mère, elle accède à un état introspectif qu’elle fait le choix d’extérioriser dans des compositions multi-strates. À travers le troisième opus de sa série Albah’ian, ce sont les recoins de son subconscient qu’elle livre au public.

Le rapport à l’espace est quant à lui omniprésent dans la pratique d’Amina Agueznay. L’artiste habituée a jongler entre le design, l’artisanat, l’architecture et les arts plastiques, elle nous propose ici un parcours métaphorique de son jardin intérieur avec son installation A Garden inside.

Ghizlane Sahli utilise le processus de métamorphose de la matière comme moteur et la métaphore comme langage. Elle donne à voir des unités modulaires qu’elle assimile aux cellules des organismes vivants, suscitant ainsi l’émotion par la force esthétique qui s’en dégage.

C’est à la frontière de l’intolérable, aux limites de nous-mêmes, que peuvent surgir les plus belles formes de beauté. Comme un jardin qui ne peut être que personnellement cultivé.



INFORMATIONS PRATIQUES :

Loft Art Gallery – Casablanca : du 07 octobre au 14 novembre 2020

Pour plus d’infos, cliquez ici.

ARTICLE PAR Kenza El Idrissi
CRÉDIT PHOTO LOFT ART GALLERY

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