Nés tous deux le 13 juin 1935, les artistes Christo et Jeanne-Claude nous ont offert un dernier cadeau en empaquetant l’Arc de Triomphe. Cette œuvre monumentale n’est cependant que la suite logique de tout un travail qui s’étale sur six décennies avant une volonté constante d’inviter la population à changer leur regard sur les villes, et à aller jusqu’à se les (ré)approprier.
Cette obsession pour l’empaquetage se retrouve dès leur rencontre, avec leurs premiers emballages d’objets comme des boîtes de conserve, des bouteilles, des meubles ou encore des petites sculptures. Une première étape qui leur a surtout permis d’expérimenter avec différents tissus et matériaux, avant de s’attaquer à des œuvres bien plus impressionnantes. Si l’Arc de Triomphe est le dernier monument qu’ils ont emballé, ils y pensaient déjà depuis les années 1960, comme le prouve un photomontage qui a été retrouvé à l’occasion de l’exposition Christo au centre Pompidou en 2020. Mais ils n’ont pas attendu cette année pour exposer leur œuvre aux yeux de tous, en emballant notamment le Pont-Neuf en 1985 ou le Reichstag, à Berlin, dix ans plus tard.
La fascination qu’exercent ces interventions sur les habitants est tout bonnement impressionnante, et on a pu observer des centaines de milliers de curieux traverser le Pont Neuf empaqueté dès la première journée d’inauguration. À travers cette pratique, les artistes créent un événement éphémère qui continue de vivre dans la mémoire des visiteurs une fois terminé, ce qui en change totalement l’appropriation.
Il n’est pas alors absurde de tirer un trait entre cette volonté d’accueil de Christo dans ses œuvres avec sa propre expérience de fuite d’un régime autoritaire au début de sa vie. À travers leur œuvre monumentale, Christo et Jeanne-Claude nous rappellent donc une des vocations principales des villes, qu’il faut chaque jour défendre : la tradition d’accueil de toutes et tous.