Rénovation et reconversion de l’Église du Sacré-cœur de Casablanca

Un joyau ressuscité

Abderrahim Kassou, architecte

Au cœur de Casablanca, l’ancienne église du Sacré-Cœur, symbole emblématique de l’architecture de la ville, renaît sous une lumière nouvelle. Resté fermé pendant plusieurs années, cet édifice ouvre à nouveau ses portes en tant qu’espace culturel, grâce à une réhabilitation minutieuse orchestrée par l’architecte marocain Abderrahim Kassou. Ce projet redéfinit sa vocation, tout en honorant son passé et en garantissant sa pérennité en tant que repère urbain et lieu de mémoire.


Édifiée courant des années 1930 par l’architecte français Paul Tournon, l’Église du Sacré-Cœur était, dès ses origines, un bâtiment à la fois complexe et atypique. Ses clochers évoquant les minarets, ses vitraux enchâssés dans des résilles de béton aux motifs arabo-andalous, et sa structure en béton armé témoignent d’une subtile alliance entre modernité et références locales. Achevée en 1953, l’Eglise incarne parfaitement l’identité cosmopolite de Casablanca, une ville où se croisent et s’entrelacent cultures et influences multiples.

Restituée à la commune dans les années 1970, l’Église du Sacré-Cœur voit progressivement s’éteindre sa vocation religieuse. Utilisée pour l’enseignement supérieur, puis comme espace d’exposition occasionnel, l’église est fermée à la fin des années 1980 suite à des dégradations structurelles alarmantes. Classée au patrimoine national en 2003, elle devient le théâtre d’un défi ambitieux : sa réhabilitation et sa reconversion, alliant respect de son histoire et adaptation à de nouveaux usages.

LA RENAISSANCE D’UN BÂTIMENT ICONIQUE

Nécessitant un budget conséquent de 40 millions de dirhams, la rénovation de l’Église du Sacré-Cœur a été entreprise dans un cadre de coopération internationale, notamment avec la ville d’Amsterdam, qui a partagé son expertise en matière de reconversion d’églises. Après des diagnostics approfondis révélant des dommages structurels, notamment sur les voûtes et la façade nord, des travaux de restauration ont été engagés à partir de 2016, répartis en plusieurs phases.

Dans un premier temps, les piliers, voûtes, vitraux et éléments architectoniques tels que les claustras et les coupoles ont été minutieusement restaurés. Un soin particulier a été accordé à l’étanchéité et à l’application de protections durables. Dans un second temps, une structure intérieure indépendante a été érigée pour accueillir un centre d’interprétation du patrimoine, des salles de conférence et un learning center.

L’intégration de panneaux acoustiques absorbants a permis de réduire significativement la réverbération sonore tout en préservant le volume monumental. Enfin, en continuité avec le Parc de la Ligue Arabe, les abords de l’église ont été réaménagés pour offrir des espaces verts et des installations adaptées à des activités culturelles en plein air.

UN ESPACE CULTUREL POLYVALENT EN MUTATION CONSTANTE

Portée par une dimension programmatique essentielle, la réhabilitation de l’Église du Sacré-cœur tend à insuffler une vocation culturelle à ce bâtiment anciennement cultuel. Désormais, l’église accueille expositions, installations artistiques et performances ponctuelles. La flexibilité de ses espaces modulables ouvre la voie à des usages diversifiés, allant des conférences aux ateliers en passant par des rencontres culturelles.

UN REPÈRE URBAIN DANS LA MÉTROPOLE CASABLANCAISE

L’ouverture au public marque un nouveau chapitre pour ce monument, qui devient un pivot de la vie culturelle casablancaise. Bien plus qu’un simple espace, il incarne une mémoire collective, un dialogue entre passé et avenir, mais surtout un exemple de préservation patrimoniale réussie. Cependant, des défis subsistent. Certains aménagements, comme la scénographie dédiée à la mémoire du lieu, restent à finaliser. Toutefois l’élan est donné, et l’Église du Sacré-Cœur s’érige désormais en phare culturel.

La ville de Casablanca retrouve ainsi un symbole précieux, à la fois témoin de son patrimoine architectural et reflet de son dynamisme et de sa créativité.


ARTICLE PAR Salma Afirat
CRÉDIT PHOTO Abderrahim Kassou

Les plus lus

# à lire aussi

Appel à candidatures ouvert pour 4 résidences en architecture et paysage en 2025

Le programme Pour de Nouvelles Ruralités lance un appel...

ARCHITECTURE : 7 LIEUX DE CULTE À DÉCOUVRIR

À l’intersection du sacré et du contemporain, l’architecture des...

Manchester United dévoile son futur stade signé Norman Foster

Manchester United s’apprête à écrire un nouveau chapitre de...

Les résultats du concours du nouvel hippodrome de Rabat dévoilés

La Société Royale d'Encouragement du Cheval (SOREC) dévoile les...

You cannot copy content of this page