Comment faire de l’architecture autrement ? Le collectif d’architectes New South explore des questions architecturales, urbanistiques et environnementales, à travers le médium de l’art. Dans leur nouveau projet « Le Nuage », Othmane et Sophia Bengebara, frères et sœurs architectes, et Pauline Charles, concepteurs et membres du collectif, interrogent la vallée du Bouregreg avec une installation artistique. Exposée sur l’esplanade de l’Ecole Nationale d’Architecture à Rabat, le Nuage propose une lecture/immersion narrative poétique sur la vallée, entre réalité et fantasme.
PAYSAGES EN METAMORPHOSE
New South s’intéresse à la métamorphose des villes du sud.
Aujourd’hui, les paysages urbains se transforment à une vitesse éclair. Devant cette urbanisation galopante, les défis sont de taille. Les chantiers se multiplient et occupent de plus en plus d’espace dans la ville. Les murs s’érigent de plus en plus haut, les échafaudages s’élèvent et entravent la vue. Qu’en est-il de l’histoire des lieux et de l’humain ? Que fait-on de la mémoire collective et du déjà-là ?
Le Nuage est une œuvre immersive qui interroge le processus de métamorphose urbaine de la vallée du Bouregreg. Située entre Rabat et Salé, la vallée représente aujourd’hui un enjeu majeur dans le devenir des deux villes, et fait l’objet de projets de grande envergure, à l’image du grand théâtre de Rabat.
LE BOUREGREG, LA VALLEE DES PECHEURS
Pour raconter la vallée, le collectif va puiser dans la matière délaissée des lieux : celle des barcassiers. Les pêcheurs et les passeurs sont les premiers occupants de la vallée du Bouregreg. Témoins des mutations de la ville, conteurs de la mémoire collective, ils ont de tout temps assuré la traversée du fleuve et tissé le lien entre Rabat et Salé.
C’est de là que s’est constitué la matière complexe de l’œuvre : plombs de pêche, fils de nylon, filet de pêche. Le nuage est un paysage flottant formé par une composition de 1556 plombs accrochés à des fils, suspendus à une canopée de filet de pêche. Sa forme représente une topographie renversée de la vallée. Le Nuage de point est associé à une structure en échafaudage, générant un espace expérimental et contemporain.
CONSTRUIRE, ENTRE REALITE ET FANTASME
Encerclé par la construction architecturale et le développement urbain, représentés par l’échafaudage, l’humain est au cœur du projet. Le Nuage soulève une dualité, matérialisée par les matériaux : d’une part, la dureté de l’échafaudage et de l’autre, la légèreté des fils. D’une part la réalité, et de l’autre, le fantasme.
L’œuvre est ancrée dans une réalité de la vallée : celle de l’estuaire et de ses occupants marins, dont elle révèle la poésie. Elle est aussi fantasmatique, c’est une sorte de paysage éthérée invitant le spectateur à imaginer à son tour une nouvelle réalité du Bouregreg.
Ainsi, à partir de la mémoire des lieux, nous réinventons un nouveau champ des possibles. De l’existant, nous créons des choses nouvelles.
UN TRAVAIL DE RECHERCHE COLLABORATIF AVEC LES ETUDIANTS
Pour réaliser « Le Nuage », New South a choisi d’impliquer les jeunes étudiants en architecture : futur acteurs et bâtisseurs de la ville de demain. C’est donc au sein de l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat que l’œuvre a pris forme, à travers une série de workshops réalisés en deux phases : une phase de pré-montage et une phase de montage, qui s’est chacune étalée sur une semaine.
C’est un travail collectif minutieux qui a été mené par les étudiants, pour manipuler la matière, façonner le Nuage, tout en suscitant au fil du travail, une réflexion.
Ainsi, les étudiants ont été amenés à s’interroger sur les questions soulevées par l’installation : à savoir le devenir de la vallée du Bouregreg, la vision qu’ils portent sur leur territoire, et enfin, leur rôle en tant que futurs architectes dans le façonnement du paysage de demain.