Jean DETHIER rend un hommage posthume à l’architecte André RAVEREAU

JEAN DETHIER

André RAVEREAU, architecte français ayant consacré sa vie à mettre en valeur l’apport de l’architecture du sud de l’Algérie, en particulier celle de la vallée du Mzab et de la casbah d’Alger à la culture universelle, vient de décéder le 12 Octobre dernier à l’âge de 98 ans. A cet effet son ami et complice Jean DETHIER lui a rendu un vibrant hommage. Ci-après de larges extraits du message adressé à la famille et aux amis du défunt.

C’est avec grande émotion que j’apprends le décès d’André qui a déployé tant d’énergies et de créativités – et l’essentiel de ses talents – en Algérie, et particulièrement dans la région saharienne du M’Zab où il s’était longuement fixé : dans l’oasis de Ghardaia.

André était l’un des nôtres, l’un de nos proches par la pensée et par affection : l’un des Grands de notre vaste famille professionnelle.
J’ai hautement apprécié ses multiples et toniques talents et ses subtils apports à l’histoire de l’architecture contemporaine du Maghreb. Je garderai de lui le souvenir ébloui d’un Bâtisseur Inspiré qui a su, habillement et modestement, se référer aux traditions vernaculaires – surtout celles du M’Zab au cœur ardent de l’Algérie – pour y inventer une modernité alternative & écologique empreinte d’harmonie et d’humanisme tout en revalorisant et en actualisant l’usage approprié des éco-matériaux de construction naturels et locaux.

Adieu l’Ami André. Paix à ta Belle Âme.

Puisse ton message et tes livres – pétris de savantes observations & de pertinentes recommandations – inspirer durablement les bâtisseurs de l’avenir : ils auront bien besoin de tes lumières et surtout de tes sagesses !

Je me souviens avec émotion du temps où j’ai séjourné un mois auprès d’André à Ghardaia vers 1966 avec la jeune équipe d’architectes belges que j’avais réunie pour étudier les sagesses et les vertus des traditions architecturales vernaculaires d’Afrique du Nord et leurs potentielles transpositions et modernisations : une démarche éthique, militante et progressiste dont André était alors au Maghreb quasi le seul acteur, isolé dans le flamboyant désert saharien.

Equipe au sein de laquelle figurait alors Philippe Lauwers qui, après notre retour commun à Bruxelles, aura le désir et plaisir de revenir à Ghardaia pour y collaborer longtemps avec André. De leur intime et féconde complicité est notamment né au Mali un emblématique Centre Médical blotti aux pieds de la Grande Mosquée de la ville de Mopti. Il sera en 1980 lauréat d’un prestigieux Aga Khan Award : le premier d’une dizaine d’autres accordés par cette fondation éclairée aux réalisations pilote & exemplaires contribuant à moderniser et régénérer les usages ancestraux de la construction en terre crue.

Je me souviens aussi avec plaisir et émotion du fait que j’avais pris l’initiative dès 1981 d’inviter André à être en France l’un des dix architectes du “Domaine de la terre” inauguré en 1985 à Villefontaine (près de Lyon). Ce pionnier quartier d’habitat social édifié en terre est depuis 2008 classé en tant que “Trésor du Patrimoine du Développement Durable” et est désormais considéré comme ayant largement été à l’origine, dès les années 1980, du notoire renouveau des architectures de terre en France et en Europe.

Autant de séquences mémorables de mes plaisantes et fécondes relations professionnelles avec André.

Si la famille d’André ou l’association des amis décident de publier (sur le net ou ailleurs) une anthologie de commentaires et d’appréciations relatives à l’œuvre du maître disparu – ce qui serait hautement souhaitable et bienvenu – je serais ravi d’y contribuer. Et je suis certains que nombreux et diversifiés seraient les éloges qui lui seraient adressés : autant depuis l’Afrique du Nord et la France que d’autres horizons plus lointains.

J’adresse mes condoléances émues à la famille d’André, à Maya, aux autres membres de la famille ainsi qu’à tous à ses proches.
Fraternellement : Jean Dethier (Paris le 14 octobre 2017)

POUR EN SAVOIR PLUS

Pour une information détaillée sur la vie professionnelle, l’œuvre et les publications d’André RAVEREAU, il faut se référer au site web élaboré par l’association Aladar fondée par ses amis et admirateurs : http://www.aladar-assoc.fr/ – jeannmar@hotmail.com

Ses livres ” Le M’Zab, une leçon d’architecture ” et du ” Du local à l’universel ” (qui contient un vibrant éloge de l’intelligence des architectures en terre et des villages (ksour) des vallées présahariennes du Maroc) demeureront longtemps de toniques lectures.

Réactions complémentaires de Hubert Guillaud et Patrice Doat – architectes co-fondateurs du CRATerre à Grenoble – A propos du décès d’André RAVEREAU

Hubert GUILLAUD : Je suis pétri d’émotion depuis l’annonce du décès d’André RAVEREAU. Il est évident que ses travaux, sa posture éthique et sa beauté d’âme ont en France influencé plusieurs d’entre-nous au sein du groupe CRATerre : et notamment Patrice Doat [NDLR: voir son propre témoignage ci-dessous], Hugo & Titane Houben (qui ont vécu en Algérie alors qu’André était déjà installé à Ghardaia). Son livre “Le M’zab, une leçon d’architecture » demeure un trésor inégalé – au même titre que celui d’Hassan Fathy – pour préserver une juste mesure de l’homme dans l’architecture et faire vibrer son chant en résonance au lieu respecté dans les choix constructifs et architecturaux. Je me rappelle la visite d’André à l’Ecole d’Architecture de Grenoble suite à l’invitation de Patrice, pour y donner une conférence. Il avait un trac terrible de s’adresser aux étudiants : lui, si Grand Maître mais tellement humble. Grandeur et beauté d’âme d’André qui n’affirmait aucune vérité, qui continuait à douter, qui voulait nous dire qu’il fallait toujours désirer apprendre et que rien n’était jamais vraiment acquis…qu’il ne pouvait y avoir aucune certitude si ce n’est avoir l’intime conviction d’avoir tenté de faire de son mieux. Il convient que nos étudiants en architecture puissent s’engager dans le sillon lumineux qu’André RAVEREAU a tracé avec ses projets, ses écrits et sa pensée : en replaçant la culture et l’homme au cœur de la démarche de projet. Mais qui les prendra par la main pour continuer à ouvrir ce chemin, le seul capable de sauver l’humanité désormais en grande détresse ?

Patrice DOAT : Par sa gentillesse sans borne, par son sourire permanent, par sa passion et son sérieux, parce qu’il adorait parler aux étudiants : c’était lui le grand Professeur. Il m’a appris à enseigner avec bienveillance.
On ne peut pas oublier André RAVEREAU : l’Homme Sage.

ARTICLE PAR La rédaction
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