Pittsburgh Platform competition 2020 : les étudiants architectes marocains cartonnent

Boudraa El Yazidi + Alaa Halifi + Abdelkabir Nana.

La plateforme de Pittsburgh, en collaboration avec l’Université Chalmers et l’Université CarnegieMellon, a lancé un concours international d’idées, ouvert aux étudiants en architecture et en urbanisme. Il leur a été demandé de soumettre,en pleine pandémie de Covid-19, des propositions sur la manière d’assurer l’équité en santé environnementale. Le premier prix a été décerné à trois étudiants Marocains : Boudraa El Yazidi,AlaaHalifi, et Abdelkabir Nana.


Alors que la pandémie sévit et que l’humanité vit tiraillée entre confinements à répétition et promesses de vaccins, plusieurs institutions interrogent la démesure des villes et explorent des modes alternatifs, qui entremêlent territorialités et temporalités. Quelques pays ont anticipétrès précocement cette réflexion, dont le Maroc, avec le concours sur l’Habitat Post-covid (HVC) organisé courant 2020 par Archimedia pour le compte de la Fondation Rachid Khayatey.

La plateforme de Pittsburg, quant à elle,a généré une série de questionnements sur les villes et leur santé, la diffusion de la pandémieet  son traitement, les relations entre la typo-morphologie urbaine et la qualité de vie. L’équipe lauréate composée de deux étudiants en 2ᵉ année de master à l’École d’Architecture de Casablanca (AlaaHalifi et Boudraa El Yazidi), et un étudiant à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Casablanca (Abdelkabir Nana), a cherché une réponse rapide et efficace à la crise actuelle. Visant à améliorer les infrastructures sanitaires de la ville, le projet intitulé (W) Heal (Healing on Wheel) est avant tout un protocole spatial. S’éloignant le plus possible du modèle type des établissements de santé isolés, il repense la notion commune qui leur est donnée et vise à redéfinir la façon de penser les institutions à l’avenir.

À la suite de cette distinction qui honore le Maroc, l’équipe nous raconte les coulisses de cette aventure.

A+E // Comment avez-vous pris connaissance de la tenue de ce concours ?

« Le concours de la plate-forme de Pittsburgh a été largement médiatisé dans les sites d’architecture et de design. Dès le moment où nous avons lu le brief du concours, celui-ci nous a tout de suite intéressés et surtout inspirés ».

A+E // Dans un contexte où l’humanité tout entière a été mise à l’arrêt, quel aspect vous a le plus intéressé ?


« Le thème du concours nous a paru très intéressant et tout à fait singulier, car il abordait un sujet d’actualité : la pandémie du Coronavirus et son impact sur la ville. La ville de Casablanca, comme d’autres dans le monde, a été très impactée par cette pandémie. D’un point de vue personnel, c’était pour nous un réel défi que de travailler sur cette thématique, de l’inscrire dans cette ville et d’y répondre à travers ce concours ».

A+E //À qui s’adressait ce concours ?

« Le concours était ouvert aux jeunes professionnelset étudiants du monde entier. Nous avons cependant étés invités à former un groupe interdisciplinaire, composéde trois disciplines différentes, dans les domaines que l’on juge appropriés. Différentes universités de renom ont participé, telles que la ‘Columbia University’ et le ‘MIT’. C’était un grand honneur pour nous de représenter le Maroc ».

A+E // Votre équipe est composée de deux étudiants architectes et d’un futur médecin. Partez-vous de l’idée d’un urbanisme nourri par l’hygiénisme comme au XIXe siècle ?Quel lien établissez-vous entre l’urbanisme et la santé ?

« Le concours était avant tout pour nous un espace de débat. Notre projet (w)Heal s’est basé sur une vision critique de l’ensemble du système de santé marocain et de sa gestion de la pandémie actuelle. La participation de notre collègue Abdelkbir Nana, étudiant en médecine, nous a aidé à donner plus le poids et de profondeur a notre critique, et àélargir la vision de notre projet a plusieurs échelles. Ayant passé les derniers mois à soigner les patients de la Covid-19, au CHU IbnouRochd de Casablanca, son expérience a été d’une grande aide ».

A+E // Quelle était la demande « spécifique » à ce concours ?

« Le défi du concours a été de proposer un système urbain, flexible et modulable, qui repousse l’ensemble des limites déjà présentes, de manière à établir l’équité en santé environnementale dans nos villes. Nous avons choisi comme terrain d’étude la ville de Casablanca, cherchant à trouver une solution à son déséquilibre urbain et social, entre son centre et ses périphéries ».

A+E // Parlez-nous de votre projet.

« Ain Sebaa est lequartierle plus infecté à Casablanca.C’est un quartier périphérique à l’Est de la ville, caractérisé par une zone industrielle entourée de centaines de bidonvilles, où sont apparus de nombreux cas positifs à laCOVID-19.

(W) Heal (Healing on Wheel) est une réponse rapide et efficace à la pandémie de Covid-19, mais aussi une solution permanente qui atteint plus de 300 000 personnes souffrant d’infrastructures sanitaires médiocres.

Facile à assembler, rapide à déployer et à déplacer, (W) Heal peut être positionné à plusieurs endroits de Casablanca comme les places, les parcs ou encore,les vides urbains, encourageant de nouvelles pratiques de l’espace public. Il pourrait également fonctionner comme un « hôpital satellite »,une annexe àun hôpital plus grand.

Notre projet est adaptable et multifonctionnel. Il évolue en harmonie avec les besoins quotidiens des usagers avec un temps d’installation minimum. Écologique et peu coûteuxson déploiement ne requiert aucunecompétence particulière, et son impact sur le site est quasi nul. De surcroit, il vise à améliorer les infrastructures sanitaires de la ville. La décentralisation du système de soins et de santé fait partie intégrante de ce processus. Enfin, notre projet réduira l’empreinte environnementale en réutilisant les anciens bus tout en conservant son patrimoine culturel, qui a animé l’horizon de la ville pendant plus de 25 ans.

(W) Heal pourra également être utilisé plus tard (après la covid-19) pour la vaccination de masse contre le virus, les soins primaires, tests, dépistage de saison grippale et des épidémies virales, opérations de don de sang, administration de vaccins, ou pourles futurs besoins, remplaçant ainsi les centres et dispensaires de santé chaotiques (temporaires ou permanents) présents dans chaque quartier de la ville ».

A+E // Àvotre avis, qu’elle est la force de votre proposition qui a le plus séduit le jury ?

« Le jury du concours Pittsburga qualifié le projet de solide et flexible, tant au niveau urbain qu’architectural.Il a particulièrement apprécié le fait qu’il met en exergue le principe d’équité en santé environnementale, et répondà un besoin immédiat (la pandémie de la Covid-19).Il s’agit d’une réflexion principalement dédiée aux communautés des bidonvilles casablancais, qui ne peuvent pas accéder aux infrastructures de santé primaire dans les périphéries de la ville ».

A+E // Quelle était la récompense du concours ?


« Une prime de 5000 dollars, et une invitation à présenter et à développer notre proposition dans les studios de l’Université CarnegieMellon (CMU) et l’Université de Chalmers, en juin 2021 prochain ».

A+E // Que diriez-vous pour résumer ce que cette expérience a été pour vous ?

« Ce concours était un réel momentde partage, on y a pris beaucoup de plaisir. Mais c’est avant tout un gain pour notre ville, Casablanca, notre laboratoire d’expérimentation. Un moment de succès et d’échecs, mais surtout de rêves éternels. »

À propos de la plateforme de Pittsburgh

Platform Pittsburgh est une collaboration entre des chercheurs de l’Université Carnegie Mellon, de la ville de Pittsburgh et d’autres partenaires dans le but de créer un «laboratoire vivant» pour mener des recherches et des analyses sur les villes intelligentes. Alors que Pittsburgh continue d’adopter une technologie de pointe, ce projet exploite la puissance de l’informatique et des données visuelles. L’objectif est de produire les bases pour un pland’essai afin de développer et de produire des statistiques pour améliorer la qualité de vie. L’idée étant de favoriser les collaborations interdisciplinaires ainsi que l’implication de la communauté pour résoudre les défis du monde réel en matière de mobilité et de sécurité des transports.


ARTICLE PAR Propos recueillis par la Rédaction
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