Depuis plus de 30 ans, Aït Manos marie métiers d’art et innovation technique. Les maâllems, guidés par les fondateurs de la maison, Tawfik Bennani et Ghalia Sebti, s’illustrent par une maîtrise parfaite de l’artisanat. Des mosaïques de terre cuite entièrement réalisées à la main, des interprétations authentiques et une maitrise parfaite d’un zellige séculaire né au Maroc au Xème siècle. Ils le fabriquent, le déclinent, le modernisent sans jamais travestir son processus de fabrication.
Dès son lancement Aït Manos s’impose au-delà des frontières et développe son chiffre d’affaires grâce à l’export. Tawfik Bennani supervise la création pendant que Ghalia Sebti se charge de promouvoir et valoriser les produits auprès de grands architectes et de fortunes privées. En faisant preuve d’un acte précurseur et fondateur, cette dernière crée en 2006 au sein de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), la première Fédération des Entreprises d’Artisanat qu’elle préside jusqu’en 2009.
Vous découvrirez à travers cette interview, le parcours d’une femme engagée, à la tête d’une entreprise qui ne cesse d’évoluer et d’une fédération née de passion et d’acharnement. Nous avons posé quelques questions à Ghalia Sebti, co-fondatrice de la Maison Aït Manos, pour mieux vous introduire dans ce domaine passionnant qu’est l’artisanat marocain, mais qui présente néanmoins certaines défaillances qu’elle a su relever grâce à son expérience accumulée au fil des années.
A+E / / Comment est née l’aventure Aït Manos ?
G.S : « Mon mari, comme moi, sommes passionnés depuis toujours par l’artisanat marocain. Fin 1997, nous avons réalisé que le zellige, ce métier d’art séculaire admiré dans le monde entier, à la valeur esthétique inouïe, n’était pourtant pas exportable car il fallait nécessairement que des maâllems viennent installer les mosaïques sur les chantiers.
Tawfik a eu l’idée de travailler un zellige préassemblé, léger, fin et facile à poser. Nous avons été les premiers à proposer à l’export du zellige prêt à poser et emboîtable. Ça a été une véritable révolution, et ça a constitué notre signature : grâce à des processus uniques, nous conjuguons savoir-faire séculaire et innovations techniques. Nous revisitons l’esthétique traditionnelle en y apportant un souffle nouveau, offrant le zellige comme véritable art décoratif à l’international. En 1998, nous avons eu la chance d’être repérés par la Maison de l’Artisan du Maroc et nous avons été financés pour participer au salon Coverings aux USA. Depuis, tout s’est enchaîné, nous exportons aujourd’hui partout dans le Monde. »
A+E / / Que diriez-vous aux architectes qui se posent des questions quant à la prescription du zellige ?
G.S : « Nous venons de refondre notre site web et avons un espace dédié aux professionnels de l’architecture et de la décoration. Nous mettons notre savoir-faire séculaire au service de leurs idées et nous les accompagnons pour leur donner vie.
Proposer du zellige entièrement fait à la main avec une terre provenant du sol marocain porte énormément de sens aujourd’hui. De par son mode de fabrication ancestral et artisanal, le zellige répond à l’envie collective de matériaux qui ont une histoire, des racines, et recentrent l’humain au cœur du processus de fabrication. Sur les murs, comme au sol, le zellige trouve sa place dans toutes les pièces de la maison.
Pour entrer dans des considérations plus techniques, nous travaillons avec des supports de construction qui nous permettent de faire de l’ultra léger et de vendre des panneaux déjà prêts-assemblés de 2m40 sur 1m50. C’est déjà prêt à monter alors que c’est entièrement fait à la main !
Avec nos 70 personnes à l’atelier nos clients peuvent être très ambitieux, nous sommes en mesure de les suivre et d’aller très loin dans la sophistication.
Nos nombreuses collaborations avec des professionnels réputés illustrent d’ailleurs notre engagement à porter la tradition du zellige au-devant de la modernité, dans une démarche d’adaptabilité et d’innovation constante.
En termes de réalisations, je peux citer le jardin-piscine du Royal Mansour de Marrakech. Ça a été un travail très créatif : Aït Manos a mis au point une teinte exclusive, création de mon mari Tawfik Bennani. Une couleur comme nulle part ailleurs, qui donne une teinte « fond de ruisseau » à l’eau, loin des turquoises classiques qu’on voit habituellement. Je peux encore citer le Casino MGM de Macao, les carreaux de zelliges gris chiné pour le Musée Yves Saint-Laurent de Marrakech en collaboration avec studio KO ou encore le rose poudré créé pour le très glamour Willmott’s Ghost, un restaurant situé dans The Spheres, prouesse architecturale d’Amazon à Seattle aux USA. »
A+E / / Quelles ont été vos motivations pour créer la Fédération de l’artisanat ?
G.S : « Les artisans ont toujours été représentés dans les instances du pays. Toutefois, il manquait la représentativité de l’entreprise structurée. En 2006, nous avons créé la Fédération des entreprises d’artisanat, la FEA, au sein de la CGEM, dont j’ai été élue présidente en mars 2006. »
A + E // Quels sont selon vous, les problèmes auxquels fait face le milieu de l’artisanat au Maroc ?
G.S : « Le Maroc est un pays séculaire, riche en métiers d’arts depuis des centaines d’années, mais qui ne disposait d’aucun répertoire pour archiver les filières. Or, on ne peut pas préserver ce qui n’est pas répertorié. Il y a, certes, plusieurs dispositions qui ont été prises dans le secteur de l’artisanat en termes de traçabilité et de qualité… Mais nous souhaitons vivement voir nos appellations protégées tel que c’est fait dans de nombreux pays. »
A+E / / Quelles sont les problématiques que vous rencontrez au sein d’Aït Manos ?
G.S : « La certification et la mise aux normes sont des sujets structurels qui devraient être encadrés par l’État, le Ministère de tutelle ou l’Institut Marocain de Normalisation (IMANOR). Malheureusement, il n’y aucun accompagnement sur ces sujets. A titre d’exemple, aucun fabricant de céramique artisanale au Maroc ne parvient à obtenir son marquage CE. »