Quel apport des architectes au développement de Dakhla ?

Rachid Boufous, architecte

La 35ème journée de l’Architecte s’est tenue le 14 janvier 2021  à Dakhla. Certes les conditions restrictives liées au Covid n’ont permis cette année qu’une présence à minima, une cinquantaine de représentants de l’ordre ainsi que des officiels. Les cérémonies et débats ont été retransmis via une visio-conférence. Rachid Boufous, architecte et urbaniste nous rappelle le rôle important qui incombe aux architectes dans le développement différencié et harmonieux des cités sahariennes.

Le choix de Dakhla émane de la nécessité qu’éprouve notre corps professionnel de marquer par sa présence, l’engagement des architectes dans la construction et le développement des régions et provinces du Sahara marocain. Cette présence date des premiers jours après la récupération des provinces sahariennes en 1975.

À l’époque, seule la ville de Laayoune était construite. Ville c’était beaucoup dire, c’était plutôt un bourg improbable, constitué du petit quartier espagnol, le Polco, à l’architecture spécifique avec les toits en dômes et de quelques bâtiments administratifs.

Bien que la présence espagnole au Sahara démarra en 1884 avec l’édification de Villa Cosneros (Dakhla), sous forme d’un simple point de débarquement et une garnison militaires, l’Espagne n’a pas jugé utile de développer de centres urbains, hormis Laayoune qui ne fut réellement édifiée qu’à partir de la fin des années 50. La majorité de la population étaient nomade et éparpillée sur un territoire immense.

A partir de 1975, le Maroc se lancera dans un vrai défi en matière d’aménagement du territoire. Il fallait rendre viable un territoire quasi désertique, où n’existaient ni voies de communication, ni ports de débarquement, ni même d’eau potable ou d’électricité. Il a fallu bâtir tout cela, dans un climat hostile et en temps de guerre. Mais le Maroc n’a jamais baissé les bras malgré toutes ces contraintes, bâtissant les villes côtières de Laayoune, Boujdour, Dakhla,Tarfaya et Tan-Tan, ainsi que leurs ports maritimes. Il bâtit aussi les villes de, Smara, Aouserd, Guelmim, favorisant ainsi l’émergence d’une dynamique économique qui ne s’est jamais ralentie depuis 45 ans. Les architectes ont été présents à toutes ces étapes du développement des provinces du sud, où plus de 300 confrères et consœurs, venant de diverses régions du pays ont réalisé la totalité des infrastructures de ces régions sous formes de logements, de lotissements, de villages de pêche, de halles au poisson, d’écoles, collèges, lycées, hôpitaux, hôtels…

Aujourd’hui, avec les développements politiques que connaît la région de Oued Dahab avec la libération du passage de Guegarate, la reconnaissance des États-Unis de la marocanité des territoires du Sahara et l’installation de plus de 26 consulats à Laayoune et à Dakhla dont le dernier en date fut celui justement des États-Unis, il était important et primordial que les architectes, à travers la célébration de leur journée nationale à Dakhla, témoignent de leur engagement dans l’accompagnement du développement des provinces du Sud.

Ce territoire demeure toutefois fragile sur le plan environnemental, malgré la nécessité de l’urbaniser durablement.

Tout le défi des prochaines années sera de préserver cette spécificité environnementale et de réaliser un développement urbanistique qui fasse ressortir dans son architecture l’identité sahraouie et la culture Hassanie. Un travail sur la préservation de ce patrimoine particulier doit être entrepris et appliqué aux ouvrages construits. Les villes du Sahara ne doivent pas forcément ressembler aux autres villes de l’intérieur du pays, mais inventer une façon d’occuper l’espace qui s’inspire du vécu et de la culture des populations locales.

Un grand travail a été entamé ces dernières années sur l’utilisation de la pierre basaltique de Smara dans le parement des murs des édifices publics ou privés. L’installation du tourisme dans la baie de Dakhla et dans d’autres contrées sahariennes, a connu un développement important. Grâce au travail des architectes, cette installation respecte les spécificités environnementales et la fragilité de l’écosystème de la zone par la construction de structures légères, avec des matériaux locaux et durables.

C’est une démarche qu’il faut encourager, car il ne s’agit pas, une fois de plus, de répéter les erreurs commises ailleurs par une « betonisation » à outrance des fronts maritimes ou des tissus urbains.

Dakhla constitue à ce titre un véritable laboratoire de ce que sera le développement urbain raisonnable et raisonné des territoires urbains vierges.

Dans ce sens, j’estime qu’il est nécessaire de créer une École Nationale du Patrimoine, avec des passerelles universitaires et de recherche avec les mondes de l’artisanat, de la culture, de l’archéologie, des sciences sociales, formant les architectes diplômés aux spécificités régionales, qui font la richesse et l’identité marocaine, dans son ensemble. Plus que jamais cette quête vers la préservation du patrimoine marocain dans tous les domaines devient une nécessité impérieuse. Les architectes en tant qu’acteurs importants dans le développement du pays, doivent être les garants de la pérennisation de la sauvegarde du patrimoine du Maroc.

Ce fut l’esprit du célèbre Discours de Feu Sa Majesté Hassan II, prononcé le 14 Janvier 1986 devant les Architectes du Royaume. C’est ce discours fondateur pour notre profession, que les architectes célèbrent depuis maintenant 35 ans et aujourd’hui à Dakhla.

ARTICLE PAR Rachid Boufous, architecte, Membre du Conseil National de l’Ordre des Architectes.
CRÉDIT PHOTO CABINET AAZ

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