L’architecture post-digitale – Tokyo Geidai Museum

Entre recherche et matérialisation

Ghali Bouayad

Le pavillon de bois incarne une théorie manifeste mettant en exergue l’importance du dualisme entre l’ornement et le post-digital, ainsi que le rôle qu’ils peuvent jouer pour tendre vers une éventuelle reconnection de l’ornement aux objets, à la structure et à l’architecture. Dans le cadre de cette recherche théorique, Ghali Bouayad, architecte, souligne la position remarquable que peut occuper l’ornement lorsqu’il est bien codifié dans la société, œuvrant ainsi à instaurer un lien intriqué entre les usagers et leur environnement.


Ce bâtiment a été le sujet d’une exposition grandeur nature, accompagné d’illustrations documentant la démarche de réflexion et guidant les visiteurs pour assurer une expérience enrichissante. Cette exposition a eu lieu à Tokyo Geidai Museum  du 10 au 20 décembre 2020.

En résonance  avec cette exposition, l’Institut du monde arabe (IMA) a sélectionné ce projet remarquable pour la catégorie talent émergent pour le Prix du design de l’Institut du monde arabe 2024 sous le thème « Arabofuturs ». A cette occasion, une exposition consacrée aux lauréats sélectionnés, se tiendra dans les espaces de l’IMA du 5 au 15 septembre 2024.

Le Prix du design de l’Institut du monde arabe, créé en 2023, a pour ambition de mettre en lumière les designers émergents et confirmés du monde arabe dans une optique de démonstration des savoir-faire, du génie productif, et de la création de nouveaux matériaux. Réunissant un jury prestigieux, il distingue les designers du monde arabe dans les catégories talent émergent, talent confirmé et Prix de l’Impact, Arab Bank Switzerland.

LES CHOIX PRÉCONISATEURS DU PAVILLON

Dans le cas de ce pavillon, la topologie géométrique choisie est celle d’un ornement japonais qui intègre une fonction architecturale dont le but est celui d’organiser l’espace. Par sa concrétisation à échelle réelle, l’ornement n’est plus alors qu’une simple surface extérieure mais devient un volume et une structure architecturale.  Il soumet dès lors, le corps humain à un contact direct et haptique avec le nouvel objet architectural. 

Prônant la sobriété, Ghali Bouayad plaide pour un retour aux sources de l’expérimentation sur le sujet de l’esthétique spatiale, en faisant de l’architecture une expérience délibérément complexe et insaisissable. Cela influencera le visiteur d’une manière incrémentale à ralentir et à réfléchir, tout en évitant une perception superficielle et instantanée des objets composant son environnement.

LA PERCEPTION ET LA SENSIBILITÉ SPATIALE DE L’USAGER

Dessin conceptuel, l’architecture post-digitale. Crédit photo : ©Ghali Bouayad

L’architecture, dont le plan émotionnel est la seule caractéristique majeure, soumet l’usager à une expérience spatiale limitée. En examinant méticuleusement l’architecture fondée sur des structures ornementales tridimensionnelles, nous pouvons en extraire des constats fondamentaux sur l’importance de l’esthétique de la construction, de manière à offrir et assurer une expérience sensuelle aux usagers. À titre spéculatif, l’usager est engagé dans les caractéristiques phénoménologiques de l’ornement original présent dans l’espace de façon abstraite.

LE DUALISME ENTRE L’ORNEMENT ET L’AUTOMATISATION

Dans sa pratique, Ghali Bouayad fait appel aux outils algorithmiques et à la fabrication robotique. La beauté, l’irrégularité et la créativité dans le processus entre l’homme et la machine repose sur l’instauration d’un rythme de coopération saine. Il repose également sur la question de contrôle du processus de conception, où l’architecte/ingénieur est le nouveau directeur artistique avec un objectif défini allié à une stratégie de conception claire. Cela n’exclut pas le fait d’offrir des occasions à la machine collaboratrice pour générer des suggestions, ou des erreurs. C’est à l’architecte/ingénieur par la suite d’inclure ou d’omettre la suggestion ou l’erreur faite par la machine au cours du processus. 

Dessin technique, Pavillion de bois. Crédit photo : ©Ghali Bouayad

En étudiant les fondements de la conception, son esthétique, son coût et sa complexité, le pavillon de bois s’est construit à partir de 317 éléments de bois d’une longueur variant entre 500 et 3 500 mm qui ont formé à leur tours 62 colonnes différentes, elles-mêmes composées de 255 joints à mi-corps. Ce projet a été une opportunité remarquable permettant d’assister à une négociation entre deux agents : l’architecte et la machine représenté par les systèmes algorithmiques créés pour générer et rationaliser la forme du pavillon à partir d’un ornement plat.


À PROPOS DE GHALI BOUAYAD

Dr. Ghali BOUAYAD, né au Maroc, est un architecte HMONP, titulaire d’un doctorat en beaux-arts de l’Université des arts de Tokyo (Ph.D, 2021). Il obtient son master d’architecture à l’école d’architecture de Paris La Villette après avoir passé sa dernière année à l’université de Kyushu (2015, Japon).

Bouayad vit et pratique désormais entre le Maroc et le Japon, travaillant avec des architectures, des diagrammes spéculatifs, des réalités mixtes, des dessins, des maquettes physiques et du texte, tout en étant préoccupé dans sa pratique par la notion d’ornementation à l’ère de l’architecture postdigitale, l’impact de la technologie sur l’esthétique, l’artisanat et la phénoménologie.

Entre 2015 et 2017, il a travaillé avec le lauréat du prix Pritzker Christian De Portzamparc et avec Jakob+Macfarlane à Paris. Depuis, il a exposé à l’international et reçu de multiples récompenses pour son travail : le 2e prix pour la reconversion du concours public Yahata City Hall (2015, Japon) ; à Itabashi Art Studio, Tokyo (2018) ; la bourse gouvernementale japonaise Monbukagakushou (2017-2021) ; le prix du jury de l’Architectural Institute of Japan pour le Ginza Architectural Grand Prix, (2018) ; le 3eme prix pour le concours de l’école secondaire de Nagano et le 1er prix pour le concours de logements collectifs à Kamakura au Japon (2024).

Entre 2021 et 2023, Ghali a été collaborateur de Kazuyo Sejima (prix Pritzker 2010). Chez SANAA, il a participé à la conception de la gare de Shibuya, a été co-directeur de projet pour la grande canopée d’Umekita à Osaka, et a agi en tant que concepteur principal de la structure pour le nouveau musée maritime de Shenzhen.

En 2023, il fonde avec Takuma Yokomae son atelier d’architecture YOKOMAE et BOUAYAD, et ils exercent ensemble entre Tokyo et Marrakech.

En 2024, il est shortlisté comme « Talent Émergent » par le prix du Design de l’Institut du Monde Arabe.


ARTICLE PAR Ghali Bouayad
CRÉDIT PHOTO ©Kenji Agata, Ghali Bouayad

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