Jean Paul Ichter, architecte, tire sa révérence à Fès sa ville d’adoption

Jean Paul Ichter, architecte

Après une vie bien remplie et non sans avoir laissé une trace indélébile au Maroc où il a passé la plus grande partie de sa vie, Jean Paul Ichter vient de tirer sa révérence le 1er octobre 2020 laissant un grand vide autour de lui. Premier inspecteur d’urbanisme dans la ville de Fès après l’indépendance, il a été « séduit » par cette ville qu’il choisit volontairement pour son impressionnant poids culturel et historique dont il en mesurait l’étendue.

La nouvelle génération méconnait Jean Paul Ichter cet architecte urbaniste originaire d’Alsace (1933 – France), diplômé en 1958 de l’ENSAIS (actuellement l’INSA de Strasbourg) ainsi que de l’Institut d’urbanisme de Paris. Il a collaboré avec le cabinet André Remondet (grand prix de Rome) puis avec le cabinet Abdelkader Fares à Rabat en 1960. Deux années plus tard – après avoir réalisé avec Eliane Tastemain la 1ère tranche de la reconstruction d’Agadir – il devient inspecteur de l’urbanisme pour les régions de Fès, Taza, Tafilalt et du Moyen Atlas. Il ouvre son cabinet privé à Fès en 1969 tout en poursuivant l’étude de la sauvegarde de la médina de Fès. Il a à son compte de nombreuses publications dans et a participé à « Palais et Demeures de Fès » avec Ali Amahan, M. Revault et M. Golvin (3 volumes). Il a aussi collaboré avec a+u (revue marocaine d’architecture et d’urbanisme avec Mourad Ben M’Barek) et avec la plupart des quotidiens du Maroc sur des sujets d’actualité d’architecture et d’urbanisme.

Fès a toujours été au cœur de ses préoccupations comme le montre son implication dans le travail associatif dédié à sa sauvegarde. Ses écrits dans des revues ou quotidiens marocains permettent de cerner son esprit militant et de saisir la nature de son engagement autour d’une notion qui lui est chère : « éviter un urbanisme ségrégatif » et rester proche de la tradition marocaine. De plus, pour lui, chaque projet est un prétexte pour expérimenter le résultat de ses recherches sur le meilleur cadre de vie possible avec l’intégration du paysage, de nouvelles solutions techniques, des imbrications entre le décor traditionnel et les matériaux modernes…

Ci-dessous nous vous présentons quelques-unes de ses réalisations majeures.

RESIDENCE LES MIMOSAS A FES, POUR LE COMPTE DE LA CGI EN 1982

Le projet « Les Mimosas » se compose de 11 immeubles R + 2 groupés en 7 et 4 immeubles situés autour de 2 parcs : « centraux » intégrés dans un massif de grands arbres – plantés en même temps que la construction – et d’arbustes fleuris. Tout autour 144 villas unifamiliales placées en bandes irrégulières, petites mais très fonctionnelles bénéficient de l’ensemble. Sur une placette centrale animée par une grande fontaine se sont établis quelques commerces de jour et une salle de prière assurant une certaine autonomie à ce petit quartier. Un modèle dont l’expérience est reconduite « Cela suppose l’abandon de l’habitat spéculatif, ces calamités héritées d’un autre âge et malheureusement démultipliées à profusion », souligne Jean Paul Ichter. Ce dernier vivait une retraite paisible dans cette cité où il faisait bon vivre.

HABITAT SOCIAL A HAY HASSANI (FES) POUR LE COMPTE DE L’ERAC NORD EN 1975-1985

Le projet de Hay Hassani à Fès présente une trame commerciale et des logements familiaux à 2 et 3 étages. Il exprime le souci, au-delà des considérations économiques et souvent d’urgence, d’une certaine qualité esthétique. Pour lui, La pauvreté n’est pas forcément synonyme de laideur. La structure de ces logements et leur organisation spatiale reflètent l’idée de vouer ces espaces aux loisirs collectifs des riverains. En effet, il ne s’agit pas d’immeubles à cours intérieures (partagées avec 4 immeubles adjacents), mais plutôt des logements conçus sur la base d’autres préoccupations : le soleil, le calme, l’intimité, le silence, la valorisation des paysages…

BANQUE POPULAIRE A FES EN 1976

Ce projet constitue l’un des repères de la ville de Fès. Premières œuvres de l’architecte, il se caractérise par une trame de façades partagées entre vitrages et allèges couvertes de zelliges ainsi que par des supports très affinés en béton armé brut filant sur 7 étages. Des supports en profilés acier presque invisibles portent l’auvent traité en jardin suspendu. L’intérieur est décoré de motifs de zelliges de l’artiste Mohamed Chebaa. Cet édifice remarquable a malheureusement été gravement altéré par des travaux inconséquents. Cette « défiguration » du bâtiment nous force à publier d’anciennes photos, qui montrent le projet tel qu’il a été réalisé, dans le respect de l’œuvre originelle.

CENTRE ARTISANAL A ERRACHIDIA POUR COMPTE DU MINISTERE DE L’ARTISANAT EN 1975

Ce projet offre la particularité d’avoir été bâti en béton de terre stabilisée (B.T.S) complété par des éléments en béton armé et d’une double toiture d’isolation thermique généreusement ventilée. L’ensemble s’ordonne autour d’un jardin patio protégé par une ombrière en troncs d’eucalyptus chargée de végétation fleurie. Les ouvertures en fentes verticales comportent des claustras, motifs berbères du Haut Atlas au choix des artisans locaux.
À noter que la porte d’entrée discrète dans l’esprit Filali a été remplacée par un portail fassi à l’effet surprenant.

COLLEGE LAMTIYINE A AIN AZLITEN (FES) POUR LE COMPTE DU M.E.N EN 1980

Reconnu en 1981 comme étant l’une des meilleures intégrations architecturales et urbanistiques de la médina de Fès, le collège Lamtiyine se développe en petites unités à 2 étages accolées et décalées en plan autour d’un patio classique. Ce dernier est dominé au centre par la Koubbah à tuiles vertes de la salle des réunions. Il est relié dans son ensemble au tissu de la médina à travers une échelle de volumes similaire.

ARTICLE PAR La rédaction
CRÉDIT PHOTO Jean Paul Ichter

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