Othmane Bengebara – entre architecture et art

Collector des architectes émergents - volume I

OTHMANE BENGEBARA

Pour Othmane Bengebara, il existe un lien constant entre art et architecture. À l’image de deux vases communicants, s’équilibrant parfaitement et avec pour unique ambition : l’engagement au profit de l’émotion et de la sensibilité, pour quelque chose d’unique.


1 // THE HOUSE BEHIND THE TREES

Le commanditaire de cette maison est un personnage actif du monde de l’Art au Maroc. Collectionneur et  éditeur, c’est une personne avec une sensibilité bien particulière. Le terrain se situe dans le quartier de la « Pinède » à Rabat, un cadre intime, planté de grands arbres anciens. Il existe en nous, un rapport quasi psychologique avec la complexité d’un lieu. Quand j’ai visité ce terrain pour la première fois, notre  conversation s’est rapidement  tournée vers les souvenirs de l’enfance, comme si l’espace, possédait la capacité de superposer le temps. La méthodologie du projet s’est naturellement inscrite dans la narration. Là, où les arbres sont en fait le point de départ d’une expérience de l’espace, un observatoire très ouvert sur le jardin et sur les souvenirs qu’il contient, mais également  une frontière fermée sur l’extérieur, développant une forte intimité, réceptacle de la collection. Une architecture plein pied ; dont le parallélisme des perspectives intérieures confronte le réel à l’imaginaire, s’entrelaçant jusqu’à ne plus distinguer leurs différences. 

Ce projet est composé de quatre grandes entités. La maison, rectangle le plus long. Le bureau, le rectangle le plus petit, isolé. La maison des invités, carrée et indépendante. Ces trois éléments sont reliés par une longue toiture, intégrant les arbres, développant des courbes jusqu’au patio rond. Dans ce cheminement, on passe de l’intérieur à l’extérieur, de l’ombre à la lumière, protégé. Et enfin la piscine, une longue ligne orientée plein sud, comme un cadran solitaire, elle est décollée du sol, et nous informe du temps qui passe.

Cette maison souligne notre héritage spatial complexe. Elle se veut inscrite dans une continuité, tout en s’effaçant face au lieu, affirmant sa singularité contemporaine.

2 // OUR OWN LAND 

L’Homme est créateur de sens et c’est en signifiant l’espace que nous avons fondé notre société. « Our own land » est un projet artistique qui tente de définir et de construire un nouvel espace. Les mythes fondateurs sont le point de départ de mon œuvre. De l’Odyssée de Gilgamesh aux descriptions de la naissance et du déclin des empires dans
« Kitab -Al-ibar » d’Ibn Khaldoun, c’est du mythe « Romulus et Remus » que ma démarche est née. Selon la légende


« Romulus se plaça sur le mont Palatin, traça autour de lui un cercle, le pomœrium, et condamna quiconque traverserait ce sillon sacré à la mort. Rémus, pour se moquer, franchit d’un pas ce rempart symbolique. Et aussitôt Romulus le tua, fondant ainsi Rome. » Il y a donc une relation intime entre le mythe et l’espace, cette relation est un acte fondateur. Partant de ce mythe, l’Homme a combattu pour occuper l’espace, jusqu’à la possession totale du territoire. L’espace publique est devenu un territoire d’expérimentation d’un nouveau mode de vie. La situation inédite qui secoue le monde actuel nous a poussés à redéfinir notre espace et précipiter le déclin de nos mythes contemporains. Les nombreux cercles dessinés sur les pelouses de Central Park à New York, de Hyde Park à Londres et les bandes adhésives qui rythment dorénavant l’espace public sont la preuve tangible de l’évolution de la vie en société. Contrairement au geste circulaire de Romulus, j’ai choisi le carré pour réinventer mon espace. Élémentaires et divins, le carré et le cube sont deux formes géométriques récurrentes dans ma pratique. Dans l’iconographie spirituelle, le carré représente la Terre, et c’est dans un carré de 3mx3m tracé à la poudre de plâtre que j’ai choisi de partager mes idées et de laisser mes peurs. Comme un moment de méditation et d’introspection, à la fois intime et accessible, mon carré devient le réceptacle et le témoin de mes émotions. Ce tracé nomade et éphémère m’accompagne, reconstructible à l’infini, vers la création d’un nouveau monde.

3 // THE CLOUD, THE FUTUR OF BOUREGREG VALLEY

New South est un collectif que j’ai cofondé en 2015, tout juste diplômé de l’école d’architecture. Cela m’a permis d’explorer et d’expérimenter de nouveaux concepts qui viendront transformer nos villes. Je suis convaincu qu’ils jailliront des métropoles du sud. En utilisant le médium de l’Art et en le produisant, je me suis attaché à la recherche, tout en y trouvant ma propre voie d’expression. Je pense que la responsabilité et l’éthique doit être au cœur de notre métier.

Nous ne devons jamais arrêter d’expérimenter et de créer. « Le Nuage » est une œuvre immersive qui interroge le processus de métamorphose urbaine de la vallée du Bouregreg. Exposée sur l’esplanade de l’École Nationale d’Architecture à Rabat en janvier 2019. L’installation propose une lecture poétique de la vallée, entre réalités et fantasmes. Devant une urbanisation galopante, les défis sont de taille. Les chantiers occupent de plus en plus d’espace dans la ville, les échafaudages s’élèvent et entravent la vue. Qu’en est-il de l’histoire des lieux, de l’humain ? Que fait-on de la mémoire collective ? Quel modèle de société et donc de ville voulons-nous pour demain ? Pour raconter et réinventer la vallée, nous avons puisé dans un élément délaissé des lieux : celui des étudiants, élément de l’avenir, mais aussi et surtout, les barcassiers. Ces pêcheurs et passeurs sont les occupants de la vallée du Bouregreg, ayant assuré de tout temps la traversée du fleuve. Ce sont les premiers témoins des mutations de la ville, les conteurs de la mémoire collective. C’est donc de là que s’est constituée la matière complexe de l’œuvre : plombs de pêche, fils de nylon, filet de pêche. Le « Nuage » est donc une composition de 1556 plombs accrochés à des fils, suspendus à une canopée de filet de pêche. Celui-ci forme un paysage fantasmé reprenant une topographie renversée de la vallée du Bouregreg. Le Nuage est associé à une structure en échafaudage, qui génère un espace expérimental et contemporain.


A PROPOS DE OTHMANE BENGEBARA

Othmane Bengebara , Architecte

Othmane Bengebara est architecte/décorateur et artiste. Diplômé de l’École Spéciale d’Architecture de Paris, il acquiert une première expérience à Rio de Janeiro. Lauréat du concours Cityvision il expose pour la première fois à la Wuho Gallery de Los Angeles. En 2015, il cofonde New South, et s’intéresse aux concepts urbains émergent. Il tend aujourd’hui à une pratique architecturale et artistique engagée au Maroc et à l’international.

ARTICLE PAR La rédaction
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