À Agadir, où la lumière agit comme une matière première, Sophia Imbert façonne une architecture d’écoute et d’équilibre. Diplômée en 2014 à Paris, elle appartient à cette génération qui n’oppose pas l’audace à la justesse : elle les fait cohabiter. En dix ans, elle a ancré dans le Sud marocain une pratique qui ne cherche pas à signer le paysage, mais à dialoguer avec lui. Son architecture n’impose rien, elle s’accorde : minérale quand il le faut, sensible toujours. Chez elle, concevoir revient à capter l’invisible : la mémoire d’un site, la vérité des usages, le souffle d’un contexte. Portrait d’une architecte dont l’écriture juste et instinctive façonne des espaces où l’émotion naît sans effet et où la mesure devient une signature.
POURQUOI J’AI FAIT ARCHI ? SOPHIA IMBERT
A+E // Comment définiriez-vous le rôle de l’architecte aujourd’hui ?
Sophie Imbert //. L’architecte d’aujourd’hui est un acteur engagé du cadre de vie, à la fois concepteur d’espaces adaptés aux usages, médiateur entre les besoins humains et l’environnement, et moteur de la transition écologique. Il intervient avec une approche contextuelle, durable et inclusive. Il concilie esthétique, fonctionnalité et responsabilité sociale. À travers une posture éthique et une écoute active des usagers, il contribue à construire des territoires résilients, sobres et porteurs de sens.
A+E // Si vous deviez expliquer pourquoi vous avez choisi l’architecture comme métier, quelle image utiliseriez-vous ?
S.I. : Je dirais celle d’une « une partition de musique ».
L’architecture permet une liberté artistique de composition avec un peu de soi, de son histoire et de son identité. Une valse de résilience et de respect entre un lieu, l’Homme et le regard.
A+E // Quel autre métier auriez-vous aimé exercer ?
S.I. : Phytothérapeute peut être, car elle parle aux lieux, aux gens et comble des maux de l’humain. Drôle d’analogie.
A+E // Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes futures architectes ?
S.I. : Soyez engagés, impliqués et responsables. Mais aussi et surtout, créez et rêvez !
Quel changement majeur pensez-vous qu’il serait nécessaire de faire dans le domaine de l’architecture au Maroc ?
S.I. : Retour aux fondements de la confrérie et l’éthique. Repenser le binôme architecte exerçant dans le privé et les instances publiques afin de clarifier les démarches et améliorer l’acte de bâtir pour une architecture marocaine contemporaine.
SANS TRANSITION
A+E // Le métier d’architecte en une couleur ?
S.I. : Le gris. Ça évoque pour moi le sol, l’ancrage et l’idée de trouver un juste milieu entre le beau et l’utile. C’est une couleur sobre, mais pleine de nuances et de possibilités.
A+E // Le métier d’architecte en une citation ou proverbe ?
S.I. :
« L’architecture est une musique de pierres. » Goethe
Cette citation établit un lien entre deux arts que sont l’architecture et la musique. Le pouvoir commun d’émotion, de rythme, de composition. Elle rappelle que l’architecture, au-delà de la construction, est un langage sensible, silencieux, mais profondément parlant puisqu’elle est pensée pour être vécue.
A+E // Le métier d’architecte en une émotion : laquelle vous vient en tête ?
S.I. : L’émerveillement : L’émerveillement de concevoir un espace à partir d’une idée, de transformer des contraintes en beauté, de voir une esquisse devenir réalité, habitée et vivante. C’est une émotion profonde, nourrie par la créativité, la responsabilité et l’impact humain.
A+E // Si vous deviez décrire l’architecture avec un parfum ou une odeur, lequel serait-il ?
S.I. : L’odeur de la pierre chauffée par le soleil.
A mon sens, c’est à la fois minéral, chaud et intemporel.
C’est une odeur qui évoque la matière brute, l’histoire inscrite dans les murs, mais aussi la lumière, l’espace, la sensation de permanence. Elle incarne le lien entre nature et culture, entre le site et la main de l’Homme. C’est une odeur qui résonne avec le silence d’une bibliothèque, la fraîcheur d’un patio ou la chaleur d’une place méditerranéenne.
A+E // Quelle saison représente le mieux l’architecture selon vous, et pourquoi ?
S.I. : L’automne.
C’est la saison où la lumière est plus douce, plus rasante. Elle sculpte les volumes, révèle les textures, fait vibrer les matières. L’automne, c’est aussi le temps de la réflexion, de la maturité des formes, de l’équilibre entre plénitude et dépouillement. C’est une saison qui mêle poésie et structure, émotion et précision. Une saison où l’on contemple ce qui a été construit, pensé, habité.
A+E // Le métier d’architecte en un poème : lequel choisiriez-vous ?
S.I. : « L’Art Poétique » de Paul Verlaine, et en particulier ce vers :
« De la musique avant toute chose »
Ce métier, crée un rythme, une harmonie entre les lignes, les vides, les pleins, les silences. Il compose les lieux où chaque espace doit résonner juste, où l’émotion prime sur le simple effet, où l’intuition côtoie la rigueur.
A+E // Pour vous, l’architecture, c’est avant tout… ? (Complétez avec un mot ou une phrase)
S.I. : Equilibre et résilience !
Propos recueillis par Radya Mahly




