Villa Yebo – Marrakech

Au fil des murs

Abdelhakim Guilmi, architecte

Au sud-ouest de Marrakech, en direction de Tamesloht, fleurissent des golfs, hôtels et maisons d’hôtes par dizaines. Située sur la route d’Amizmiz, à six kilomètres du centre-ville de la cité impériale, la Villa Yebo en fait partie. Cet objet singulier s’étale le long d’un terrain longiligne et épouse la morphologie de celui-ci. Elle se termine par une piscine, au milieu d’un vaste jardin vallonné et arboré, rappelant un green de golf.


Le Douar Graoui au sud de Chrifia, entre ville et campagne, abrite, au sein d’un terrain allongé et légèrement incurvé d’un hectare, une villa assez particulière. Dans le prolongement de la forme du terrain, cette demeure discrète de 800 m2 en R+1 ne laisse quasiment pas entrevoir son intérieur.

L’accès à la propriété se fait à l’est de la parcelle. Une voie longe le terrain au nord, et le premier contact visuel avec le bâtiment opère alors : une série de trois murs aveugles, en lignes brisées, accompagnent le visiteur. En plan, ces murailles protègent trois pavillons (la loge du gardien et deux chambres indépendantes avec salles de bain et terrasses attenantes). Elles dirigent le flux des vues.

L’entrée en forme d’entonnoir, bordée de cactus, nous plonge subitement au cœur même de la bâtisse. Les perspectives axées vers la piscine, le jardin et le petit patio de galets et de bambous, sont cadrées par les baies vitrées, telles des clichés photographiques. Les épais murs de terre, l’apparente pureté des lignes et le dépouillement formel, ne sont pas sans rappeler l’architecture mexicaine contemporaine.

Le plan en éventail du bâtiment évoque la forme d’un épi de blé. Les murs semblent creuser des sillons, comparables à ceux où s’écoulent les eaux de ruissellement, filets divagants, incisions linéaires, transportant le promeneur dans l’axe de ces murailles, comme l’eau transporte naturellement les minéraux du sol.

Ces murs épais viennent ancrer le plan dans son site. Ils forment en plan une trame presque arborescente, un tracé formant – tel un squelette – l’ossature de l’édifice, et par extension, ils structurent le paysage, accompagnant la forme naturelle du terrain.

Grace à ces épais voiles, on se protège de la chaleur, des vents, du bruit et des vues. Le silence de la campagne, les lignes pures et la minéralité des matériaux appellent à un état contemplatif, quasi méditatif. Les déambulations sont fluides et le parcours devient expérimentation spatiale.

Le programme se compose au rez-de-chaussée de cinq chambres (dont deux sous forme de pavillons indépendants), d’une large cuisine moderne et immaculée avec îlot central, d’une salle à manger contenant une belle table familiale, et d’un grand salon ouvert sur le jardin. À l’étage se trouvent un solarium offrant une vue sur toutes les branches de la demeure et la campagne environnante, ainsi qu’une dernière chambre avec salle de bain et terrasse.

Au rez-de-chaussée, le prolongement extérieur de la salle à manger est ombragé, grâce à l’ombre portée des murs qui prennent cet espace en étau. Cette terrasse est prolongée par un jardin sec aux galets immaculés, puis par la longue piscine à double débordement. La forme évasée de la piscine accentue la perspective depuis la salle à manger, dont les murs sont creusés de niches contenant des statuettes et objets rapportés de voyages lointains.

Le grand salon, quant à lui, s’ouvre au sud sur une grande terrasse en L surmontée d’un auvent métallique suspendu, et au nord sur le patio aux bambous à ciel ouvert.

De l’extérieur, tout le bâtiment est couleur terre, tandis qu’à l’intérieur, le sol en granito, les murs, plafonds, et même les meubles sont blancs, créant une sensation de clarté et de fraîcheur.

En plan, les interstices deviennent puits de lumières, petits patios de galets, ou jardinières de cactées.

Vus du jardin, les murs de terre évasés semblent ouvrir les bras à la terre et au ciel, comme une déclaration d’amour à la nature. Les émotions et les mots que génère la vue de cette architecture ramènent au champ lexical de l’irrigation et de l’agriculture, l’ancrant davantage dans son terroir.

FICHE TECHNIQUE

MAîTRISE D’OUVRAGEGUY GEORGES DURBECKER
MAîTRISE D’OEUVREABDELHAKIM GUILMI
SITUATIONMARRAKECH – MAROC
SURFACE COUVERTE800 M2
LIVRAISON2011
COUT12 000 000 DH

ARTICLE PAR Salwa BOUCHAREB
CRÉDIT PHOTO Abdelhakim Guilmi

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