Alaa Halifi, architecte et romancier, prix international Al-Rafidain First book Awards

Parution d'une éloge de la folie

Alaa Halifi

L’architecte marocain Alaa Halifi, vient de publier, aux éditions Al Rafidain & Daraj au Liban, son livre ‘’ Eloge de la folie’’, couronné de la dernière édition du prix international Al-Rafidain First book Awards. Selon le jury, la puissance du livre réside dans sa forte capacité à « plonger au fond des mondes Casablancais ».


Bien plus qu’un ouvrage, il s’agit d’un portrait intime de la ville de Casablanca, tout au long de ces 280 pages, « Éloge de la folie » reconstitue le puzzle d’une ville imaginaire et concrète, à travers la perspective de multiples personnages, fictifs et réels, des vies underground, des anges déchus, des marginaux, des immigrants, ou même un extraterrestre visitant la ville depuis l’espace lointain, Halifi donne vie à une Casablanca fantastique, plein de folie et de chaos. Il a utilisé la fantaisie, le surréalisme et l’ironie pour aborder des sujets bien réels comme l’aliénation, la sexualité et la mort. 

Sélectionné parmi 200 œuvres littéraires, « Éloge de la folie » est le premier ouvrage marocain à remporter ce prix. Il rompt avec les formes et thèmes littéraires traditionnels, dans une tentative de présenter une nouvelle vision du roman arabe contemporain. D’après l’écrivain irakien Falah Rahim, président du jury de cette édition, le livre « présente Casablanca et ses citoyens avec un style très épuré, et une mécanique narrative extrêmement pensée, avide d’innovation et d’ouverture aux horizons de la modernité et de l’expérimentation des techniques de narration ».

Le livre « était également caractérisé par le paradoxe, le suspense, l’intertextualité, les inspirations historiques et mythologiques. Tout cela est en fait savamment orchestré et travaillé sans qu’il s’éloigne de son contexte Casablancais, une société des individus perdus dans un monde incertain plein de contradictions », s’est-il félicité.

« Éloge de la folie » a été publié aux éditions Al Rafidain & Daraj au Liban, il est actuellement disponible dans le monde entier, et également en ligne sur la plateforme Abjjad, et sera disponible dans d’autres langues à l’avenir.


Pour une immersion dans l’univers de cet ouvrage, nous avons posé quelques questions à Alaa Halifi, architecte romancier :

Alaa Halifi : Architecte – Romancier

Photo portrait Alaa Halifi

Né en 1998 à Casablanca, Alaa Halifi est un architecte et romancier, il a publié plusieurs articles dans des médias marocains et internationaux : en plus du premier prix du livre « Al-Rafidain », il a reçu le premier prix au concours international d’architecture de Pittsburgh en Pennsylvanie, États-Unis en 2020.

« Casablanca est un Maroc à petite échelle où toutes ses diversités, contradictions et disparités m’inspirent »

Alaa Halifi

A+E // Que raconte votre livre ?

Alaa Halifi : « Le livre a été rêvé et pensé comme une sorte de ville sur papier : des espaces, des évènements/situations, et surtout des personnages… « Éloge de la folie » n’as pas un « héros » au sens classique du terme. Il relate la vie de multiples protagonistes sur fond de paysages urbains casablancais, fictifs et réels. Du bas-fond de la ville, des anges déchus, des immigrants, ou même un Alien visitant la ville depuis l’espace lointain, et d’autres histoires emboitées les unes dans les autres, comme une sorte de puzzle, que le lecteur reconstruit pour avoir, au final, une image globale et complète.

Certes, ça peut présenter un portrait intime de la ville de Casablanca, il se base sur des réalités et des atmosphères réelles, mais au fond ça reste loin d’être un livre réaliste… je trouve que l’imaginaire, le fantastique, et le symbolique peuvent vraiment questionner notre réalité, beaucoup plus mieux que de la raconter tel qu’elle est… »

A+E // Pourquoi Casablanca et quelle inspiration vous apporte-t-elle ?

A.H : « Casablanca est avant tout, ma ville natale. C’est un Maroc à petite échelle où toutes ses diversités, contradictions et disparités m’inspirent. C’est aussi son caractère monstrueux, violent et fantastique !

Je me suis toujours questionné : c’est quoi l’image de cette ville ? est ce qu’il y a une seule image ?

En écrivant sur Casablanca, j’ai essayé autant que possible de rester à l’écart des gloires et des nostalgies du passé de la ville, et de m’engager à dépeindre sa réalité actuelle telle que je la vois, et telle que la vit notre génération tout en mettant en avant des spéculations, parfois surréelles, sur l’avenir de la ville et de ses citoyens. Aujourd’hui, Casablanca représente pour la plupart un théâtre de chaos, de violence et de perte ; on retrouve ça dans le livre, mais on y découvre aussi une partie imaginaire et fantastique, sans qu’on en aperçoive les limites : où commence la fiction et où finit la réalité ? dans une sorte de superposition de deux Casablanca(s) : la ville concrète, et la ville rêvée ».

A+E // Pourquoi avoir emprunté le titre de l’ouvrage de l’humaniste Érasme : Eloge de la folie ?

A.H : « L’idée du titre m’est venue spontanément, et il ne se réfère pas directement au contenu du livre de Erasme. Peut-être en partie, mais il décrit principalement le processus de pensée et de fabrication de l’ouvrage. C’était un acte de liberté, d’expérimentation, de plaisir et de folie, sans règles ou restrictions. D’ailleurs j’avais toujours en tête les mots d’un de mes poètes préférées Allen Ginsberg, qui m’a peut-être inspiré dans le choix du titre : »Follow your inner moonlight, don’t hide the madness. « (Suivez votre clair de lune intérieur, ne cachez pas la folie).

Après l’annonce du prix, on m’a dit qu’il y a un livre qui portait le même titre paru au 16e siècle, et j’ai trouvé ça assez fascinant. J’étais encore plus fasciné en découvrant la vision d’Érasme envers la folie et la création, son avant-gardisme et son ironie…c’est un peu dommage, j’aurais bien aimé faire revivre Érasme comme personnage dans le livre, imaginons ‘Érasme à Casablanca’ et s’il réécrit son livre, à Casablanca, au 21 siècle, est ce qu’il aura la même vision ? »

ARTICLE PAR Propos recueillis par Fouad Akalay
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