Plus que de simples supports stylistiques, les décors des productions cinématographiques constituent des clés de lecture et de compréhension. L’architecture cinématographique articule le déroulement des événements, intensifie l’intrigue, mais elle indique également des détails à l’importance majeure dans l’appréciation du film.
La rédaction de A+E Magazine vous propose de faire sauter le popcorn et vous invite à découvrir des décors inspirants, et ce à travers une sélection de 3 références cinématographiques de renom.
1 // American Psycho – Mary Harron (2000)
Écrit et réalisé par Mary Harron, American Psycho retrace le récit de Patrick Bateman, un jeune homme dont le personnage s’inspire de l’archétype du « Yuppie » des années 1980. Évoluant dans les hautes sphères new-yorkaises de Wall Street, le personnage de Patrick Bateman présente toutefois, des troubles et psychoses intrinsèquement accentuées par son environnement.
L’appartement de Patrick Bateman constitue l’un des exemples les plus frappants de la connexité entre architecture et psychologie. En effet, le film dépicte les traits caractériels du personnage, à travers un aménagement dont les codes stylistiques sont en adéquation avec le caractère troublé de ce dernier. Du choix des matériaux à l’agencement spatial, chaque élément contribue à créer une atmosphère qui incarne parfaitement la personnalité obsessionnelle et narcissique du protagoniste.
L’aménagement de l’appartement s’articule autour de lignes épurées et minimalistes, caractéristiques du style contemporain des années 1980. Les espaces sont ouverts et lumineux, avec de grandes fenêtres offrant une vue imprenable sur la skyline de New York. Cette esthétique moderne et sophistiquée reflète l’obsession de Bateman pour la perfection et son désir de se fondre dans l’élite sociale. On retrouve dans son appartement des icônes du design, notamment la chaise Barcelone imaginée par Ludwig Mies Van Der Rohe, mais également la chaise Hill House 1 conçue par Charles Rennie Mackintosh.
La palette de couleurs utilisée dans l’appartement est principalement composée de tons neutres, tels que le blanc, le noir et le gris. La résultante spatiale se caractérise par une atmosphère froide et impersonnelle, presque stérile, faisant écho à la vacuité émotionnelle du protagoniste.
2 // Kill Bill Vol.1 – Quentin Tarantino (2003)
Le premier volet du diptyque Kill Bill réalisé par Quentin Tarantino a pour objet de narrer le récit d’une vengeance impitoyable et sanglante, menée par la protagoniste Beatrix Kiddo interprétée par Uma Thurman. L’empreinte stylistique du long-métrage constitue le point de convergence de différents genres cinématographiques – notamment les films de combat d’arts martiaux mais également de western spaghetti. Par conséquent, les scènes de combats revêtent une importance majeure, matérialisée par la qualité stylistique des décors.
Fortes d’une violence extrême, les scènes de combat prennent forme au sein d’espaces stylisés aux inspirations traditionnelles nippones, sublimés par des touches futuristes. En effet, des statues de samouraïs et des katanas sont dispersés dans l’espace, rappelant le lien avec la culture japonaise et l’esthétique du film. La résultante générée se caractérise par un éclectisme stylistique flamboyant et ornemental. Les murs sont décorés de panneaux en bois et de calligraphies, tandis que les luminaires suspendus éclairent l’espace d’une lueur rougeâtre, accentuant ainsi l’effet dramatique du film.
La palette de couleurs utilisée dans la scène est dominée par le rouge et le noir, créant un contraste saisissant et renforçant la dimension impétueuse et effroyable des combats. Les détails visuels, tels que les draperies rouges, les nappes de tables noires et les lumières tamisées, contribuent à créer une atmosphère sombre et sinistre.
3 // Match Point – Woody Allen (2005)
Réalisé par Woody Allen, le film Match Point aborde les thématiques liées à la classe sociale, à la séduction mais également au rôle de la chance et de l’aléatoire dans le déroulement d’événements. Ces sujets sont amenés à travers une approche hautement visuelle visant à étayer l’évolution sociale des protagonistes à travers les espaces physiques qu’ils occupent.
À l’image du roman de Stendhal « Le Rouge et le Noir », le long-métrage retrace le parcours de Chris Wilton, un professeur de tennis en pleine ascension sociale parmi l’élite anglaise à Londres. Engagée par son mariage à une riche héritière, cette ascension révèle toutefois des thématiques plus obscures, notamment la passion et l’adultère. Par conséquent, l’esthétique visuelle du film évolue en fonction de l’ascension socio-économique du protagoniste.
Les décors s’articulent autour des lignes minimalistes et épurées, auxquelles sont juxtaposées des antiquités raffinées et somptueuses. Les espaces sont généreux et poreux, souvent baignés d’une lumière diffuse et confortable. Le référentiel chromatique utilisé s’articule autour de tons naturels tels que les beiges, gris et blancs, matérialisés à travers des matériaux nobles tels que le bois, le marbre et le cuir. Les configurations du mobilier quant à elles ont été pensées de manière à générer une composition harmonieuse et homogène.
La résultante spatiale de Match Point se caractérise par une dimension stylistique sophistiquée et résolument délicate, en concordance avec le statut social élevé des personnages. Les objets décoratifs constituent des indicateurs supplémentaires quant à la classe sociale des personnages, notamment les toiles abstraites et les photographies exposées. Toutefois, ces éléments permettent également d’apporter une profondeur visuelle et une épaisseur symbolique aux événements, faisant écho aux tensions liées à l’intrigue du film.
