Aziz Mennane est vice-président du Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA). A la veille de la célébration de la journée du 14 janvier qui aura lieu, cette année, à Marrakech il nous entretient sur le bilan de l’action du CNOA suite au séisme d’El Haouz ainsi que des maux dont souffre la profession d’architecte.
A+E // La journée de l’architecte se concentrera sur le bilan des actions du CNOA dans cette tragédie du séisme d’EL Houz. Quel en est brièvement le bilan du CNOA ?
Aziz Mennane :« Pour moi le bilan reste un peu mitigé. Le CNOA et les Conseils Régionaux ainsi qu’un nombre important de nos confrères architectes, que je tiens à remercier au passage, se sont mobilisés dès les premiers heures de ce drame. Nous avons mis en place des cellules de crise à travers toutes les zones sinistrées et ce pour apporter un soutien psychologique à la population suivi d’un recensement des bâtisses et, le tout, suivi d’un ensemble de rapports qui ont servis ensuite pour le projet de reconstruction. Tout ce travail a été réalisé bénévolement pour accompagner l’effort national engagé par l’administration et la société civile.
Là où le bilan devient mitigé est notre vision de ce projet de construction qui colle aux directives Royales et qui se veut résiliente, participative, écologique, protectrice de l’environnement et du patrimoine architectural et culturel des régions sinistrées. Je comprends bien que l’administration agit dans l’urgence mais je crains, tout en espérant me tromper, que vouloir reloger la population dans l’urgence n’affecte pas notre vision de ce projet. Il y a aussi le problème de ces site historiques chargés de mémoires et ancrés dans l’espace et le temps et qui sont à mon avis passés au second plan pour le moment ».
A+E // Pour beaucoup d’architectes la profession est sinistrée et reçoit des coups de boutoirs de l’administration qui ne cesse de les malmener : annulation des concours à la dernière minute, non-respect des règles de passation, fraudes et délits d’initiés etc… Est-ce que vous allez parler de ces problèmes lors du 14 janvier ?
A. M. :« Comme vous le savez, le thème de cette rencontre qui se déroule sur trois jours, allant de la réunion entre CNOA et Conseils Régionaux le jeudi, les Assises du vendredi et la journée du 13 janvier sera consacré à la reconstruction post séisme. Mais pendant ces trois jours, la porte sera ouverte à un débat général incluant les différents maux de la profession ».
A+E // Quels sont les principaux problèmes que connait la profession qui pourraient être débattus lors du 14 janvier ?
A. M. : « Au lieu de pourrait être débattus je dirais qui devraient être débattus. Les problèmes sont divers allants du quotidien au général :
- Le quotidien se résume aux problèmes des autorisations qui sont un parcours du combattant pour les grands comme pour les petits projets et même les très petits projets
- Des projets qui restent dans les circuits administratifs pour autorisation pendant des mois voire une année ou plus
- Une concurrence très déloyale, et qui n’arrête pas d’augmenter, des signataires de petits projets et ceux des signatures de luxe
- La présence des cabinets étrangers aux concours comme aux projets privés
Pour les généralités :
- Le problème du stage qui persiste malgré les efforts et les réunions interminables avec les administrations concernées
- Le code des devoirs et obligations qui traîne à voir le jour
- La difficulté de se mettre d’accord sur les honoraires sachant que la mission d’architecte devient tres compliquée avec les obligations de la loi et les missions qui s’accumulent avec en face des confrères qui pratiquent une concurrence très déloyale et ce qui nous a mis dans le collimateur du conseil de la concurrence
Il y a les problèmes liés aux concours et qui se résument à ce qui suit :
- Les annulations à la veille des remises
- Les concours qui manquent de programmation de qualité
- Les budgets alloués aux projets et qui sont incompatibles avec les programmes et les difficultés techniques des projets
- Les concours et les consultations architecturales faites sur mesures ou favorisant les cabinets étrangers
La liste est très longue pour la limiter à ces sujets qui étaient notre quotidien pendant ce mandat. D’autres sujets peuvent être débattus :
- La formation de l’architecte
- Les compétences personnelles et professionnelles indispensables à l’exercice de la profession
- Les lourdes contraintes administratives pour les architectes
- Les difficultés rencontrées par la profession depuis plus de 10 ans
- Les évolutions du métier à l’horizon 2030 »