Plutôt que de choisir la voie facile de la démolition complète des bâtiments existants en très mauvais état, les architectes ont choisi de profiter de l’occasion pour célébrer leur patrimoine. Le consensus était que les façades préservées contribueraient non seulement au lien entre le bâtiment et le domaine public, mais qu’elles rendraient également hommage à la mémoire historique et collective de la communauté.
LE DIALOGUE AVEC LES DERNIERS VESTIGES DU PATRIMOINE VICTORIEN
Historiquement, le village Shaughnessy était caractérisé par une forte présence de bâtiments de style victorien, dont beaucoup ont été démolis au fil du temps pour faire place à des tours de grande hauteur construites au milieu du siècle dernier et qui dominent aujourd’hui le paysage de la petite rue Lincoln. Au centre de ce petit ilot, seuls trois anciens bâtiments témoignaient encore du passé victorien du secteur.
Compte tenu de l’état de dégradation des trois bâtiments existants, la démolition complète de ceux-ci avait initialement été envisagée par les développeurs avant de confier à au cabinet d’architecture ACDF la mission de concevoir un projet distinctif.
LE CHOIX ENTRE LA DESTRUCTION OU LA PRESERVATION
Compte tenu de l’état de vétusté de la structure, il a été conclu que seules les façades allaient pouvoir être préservées. ACDF a alors été confronté à un dilemme important.
Au final, les passionnés de l’histoire, les résidents du secteur et les passants ne seraient-ils pas heureux que de tels témoins du passé soient préservés ? Une approche de sauvegarde partielle ne serait-elle pas plus généreuse envers la communauté ?
Sensible à la valeur symbolique de ces témoins historiques et en s’appuyant sur leur vaste expérience dans la réhabilitation de bâtiments à caractères patrimoniaux ainsi que leur engagement à promouvoir une architecture plus contextuelle, ACDF a réalisé, dans un premier temps, plusieurs études techniques et esquisses conceptuelles pour démontrer la viabilité technique et financière d’une réhabilitation complète ou partielle des trois bâtiments prédestinés à être démolis.
ACDF a su établir l’argumentaire en faveur du maintien des façades victoriennes malgré la complexité d’une telle mise en œuvre, des coûts additionnels ainsi que les compromis nécessaire pour assurer une cohérence fonctionnelle du programme.
Une telle mission de réhabilitation peut générer un retour intéressant sur l’investissement des développeurs et cette approche plus sensible au contexte et au patrimoine bâti et ainsi constitué un atout fort intéressant pour la mise en marché de ce projet résidentiel locatif.
Maxime-Alexis Frappier
UNE FAÇADE EXPRESSIVE POUR ANIMER L’ESPACE URBAIN
Créateurs de lieux qui doivent d’abord et avant tout être contributifs pour les communautés, ACDF a donc développé un projet de haute densité qui permet la préservation et la restauration des trois façades patrimoniales. La tour est positionnée en fort recul par rapport aux façades existantes pour favoriser la lecture des gabarits d’origines.
ACDF a proposé une expression architecturale absolument unique pour la tour. Issue d’un assemblage en courtepointe de différentes lucarnes réinterprétées, la façade de la tour agit tel un tableau pictural qui célèbre l’histoire victorienne du quartier. Ainsi, les ouvertures à pignon, à arc surbaissé et rectangulaires se juxtaposent les unes aux autres pour créer une composition amalgamée qui contribue à animer l’espace urbain de cette petite section de la rue Lincoln qui est principalement définie par des tours de béton post-modernistes aux allures plutôt austères. Un cadre de granit noir en légère projection rehausse la qualité picturale de la composition, tandis que la qualité minérale de l’enveloppe de béton préfabriqué rend hommage aux tours voisines.
Chaque fenêtre correspond à une chambre ou à un salon avec ou sans balcon. De largeur presque équivalentes aux pièces habitables qu’elles animent, les fenêtres élargissent les perceptions de l’espace et cadrent des vues extérieures orientées vers l’emblématique Mont-Royal.
UNE COMPACITÉ AGRÉABLE À UN COUT ABORDABLE
Situé à proximité de quatre campus universitaires, le secteur est devenu, au fil du temps, un milieu de vie particulièrement apprécié de la clientèle étudiante. Compte tenu de l’augmentation fulgurante des coûts de construction, des frais de financement défavorables aux développements immobiliers et de la capacité financière limitée de la clientèle étudiante, ACDF a conçu un projet en ayant comme objectif de réduire les coûts de construction per capita.
Pour y parvenir, les architectes ont proposé des appartements composés d’espaces très étroits, maximisant ainsi la compacité volumétrique du projet, c’est-à-dire le rapport de proportion entre la superficie de l’enveloppe extérieure et les superficies habitables intérieures habitables. En résultent certes des chambres beaucoup plus étroites, mais leur configuration permet de répondre de façon très adéquate à tous les besoins de la clientèle étudiante.
LINK comprend 122 studios sur 19 étages, appartements d’une chambre, deux chambres et trois chambres, ainsi qu’un toit-terrasse, une salle de sport, un hall lounge et des espaces communs conçus et meublés pour favoriser les rencontres et les échanges.
L’entrée principale est signalée par une intervention ponctuelle et contemporaine dans l’une des trois façades patrimoniales réhabilitées. Le hall d’entrée caractérisé par un style épuré, exploite des matériaux aux attributs métallisés qui génèrent des jeux de réflexion qui enrichissent le caractère invitant des lieux. Derrière les deux autres façades se trouvent des unités résidentielles accessibles depuis les escaliers extérieurs restaurés et leur cours avant.
UN PROJET CONTRIBUTIF À ÉCHELLE HUMAINE
ACDF souhaite que cette réalisation puisse contribuer, à sa façon, à la valorisation du patrimoine auprès des développeurs et ainsi favoriser des pratiques plus respectueuses dans le cadre de projets de développement privés.
À l’aube d’une possible accélération sans précédent de l’octroi de permis de construction pour favoriser la construction de projets résidentiels afin de répondre à la crise du logement qui prévaut partout au Canada, il nous apparait primordial d’insister sur l’importance de créer des projets privés contributifs d’un point de vue architectural et urbain.
Maxime-Alexis Frappier
En fusionnant les styles architecturaux du passé et du présent, le projet LINK incarne une approche de développement qui est sensible à son environnement urbain, responsable, abordable et contributif par son architecture distinctive qui anime autant l’espace piéton que son milieu d’insertion.
FICHE TECHNIQUE
MAÎTRE D’OEUVRE : | ACDF Architecture |
SITUATION : | Village de Shaughnaussy, Montréal, QC |
SUPERFICIE : | 104 326 p2 |
COÛT : | 27.3 millions |
À PROPOS DE ACDF ARCHITECTURE
Avec un portfolio de projets commerciaux, résidentiels, hôteliers, d’aménagement intérieur et de master planning ambitieux, ACDF est reconnue comme l’une des firmes d’architecture les plus avant-gardistes du Canada. Sous la direction de Maxime-Alexis Frappier, Joan Renaud et Etienne Laplante Courchesne, les projets de grande envergure de la firme ont reçu de nombreux prix et accolades pour leur approche progressive d’une nouvelle génération de bâtiments significatifs et pertinents.
Basée à Montréal, au Québec, ACDF s’inspire de l’habitabilité et la vitalité de sa ville, et qui se situe à cheval entre l’Europe et l’Amérique du Nord, entre l’historique et le moderne. Motivé par les défis et les contraintes, ACDF explore et évalue les limites de chaque projet afin d’y injecter des idées nouvelles et des solutions novatrices qui dépassent les attentes et l’imagination.