Youssef Melehi : « Fouad Akalay paraissait avancer plus vite que son temps »

À l’occasion de la 2ème édition des Young Moroccan Architecture Awards (YMAA) 2024, nous avons rencontré et côtoyé Youssef Melehi, membre du jury et figure importante du paysage architectural marocain. Dans cet entretien, il partage ses réflexions sur l’avenir de l’architecture au Maroc, ses aspirations pour la jeune génération de talents, ainsi que ses conseils précieux pour les candidats de cette édition.


A+E // Que représente pour vous les Young Moroccan Architecture Awards ?

Youssef Melehi : Je salue cette initiative et particulièrement cette 2ème édition marquée par la triste disparition de notre regretté Fouad Akalay. Il n’est plus à démontrer que les Young Moroccan Architecture Awards, est un catalyseur en faveur de la créativité architecturale marocaine, et permet aussi de faire découvrir une nouvelle génération de jeunes architectes talentueux. Ceci dit cette reconnaissance ne devrait pas être considérée comme une consécration de l’architecte mais plutôt un encouragement lui permettant d’accéder à de nouveaux horizons dans son parcours professionnel.

A+E // Quelles sont vos aspirations pour l’avenir de l’architecture au Maroc, en particulier pour la jeune génération d’architectes ?

Y. M. : La pratique de l’architecte devient de plus en plus contraignante pour les jeunes diplômés, l’accès à la commande est un vrai parcours du combattant, je recommande au jeune architecte de compléter sa formation professionnelle le temps qu’il faut, auprès de ses ainés au Maroc ou ailleurs, et s’armer de toutes les connaissances indispensables pour bien accomplir sa future mission. L’avenir de l’architecture au Maroc que nous voulons rayonnant et reconnu au niveau international ne peut se faire que sur la base de générations nouvelles de jeunes architectes bien formés, compétents, talentueux et audacieux.

A+E // Qu’est-ce qui distingue, selon vous, un projet architectural exceptionnel, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes talents émergents ?

Y. M. : Un projet architectural exceptionnel, à mon avis devrait être tout d’abord en adéquation avec son milieu et répondre à sa vraie vocation, parallèlement, il doit dégager une sensibilité et une audace remarquable.

A+E // En tant que jury, quels conseils donneriez-vous aux jeunes architectes qui aspirent à soumettre leurs projets aux YMAA pour augmenter leurs chances de succès ?

Y. M. : Mon conseil est tout d’abord prendre le temps nécessaire pour bien communiquer son projet, présenter son concept en allant vers l’essentiel, être sélectif par rapport aux éléments graphiques.

A+E // L’architecture Marocaine en 1 (ou plusieurs) mots ?

Y. M. : Contextuelle, durable et innovante.

A+E // Quel est votre souhait le plus cher pour l’architecture au Maroc ?

Y. M. : Quelle soit en adéquation avec la richesse et la diversité de notre géographie, notre culture et notre mode de vie. Nous constatons, de jour en jour, l’appauvrissement de nos espaces urbains dans les périphéries des villes ainsi que la défiguration des architectures locales en milieu rural. Notre devoir est de produire une architecture de qualité, liée à son environnement répondant aux besoins et aux aspirations des usagers, et reflétant quelque part notre identité.

A+E // Quel est le bâtiment qui provoque en vous une émotion ?

Y. M. : La Medersa Benyoussef de Marrakech et l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication à Rabat par Henri Tastemain.

A+E // Et dans la peau d’un autre architecte, qui seriez-vous ?

Y. M. : Se mettre dans la peau d’un grand architecte me parait prétentieux. Je pense avoir des affinités avec des architectes tels que : Louis Khan, Hassan Fathi et Rafael Moneo.

A+E // Un mot pour feu Fouad Akalay ?

Y. M. : Notre ami et confrère Fouad Akalay, possédait des qualités exceptionnelles tels que la simplicité, la modestie, l’ouverture d’esprit, le grand sens de la communication et un dynamisme sans limites. Avec son esprit prospectifs, Fouad paraissait avancer plus vite que son temps. J’ai pu constater à travers nos conversations amicales et détendues dans mon cabinet que sa grande curiosité, et sa profonde connaissance des défis de l’architecture au Maroc, le plaçait parmi les érudits si n’est pas les mieux informés sur la production urbanistique et architecturale contemporaine dans notre pays. Sa disparition laisse un vide difficile à combler, ceci dit les bases sont là et on ne peut que rester confiants pour assurer la continuité de son projet.

Propos recueillis par Yasmina Hamdi


À PROPOS YOUSSEF MELEHI, ARCHITECTE :

Youssef Melehi, architecte d’origine espagnole et marocain, est né à Madrid de parents artistes et a grandi à Assilah. Il a étudié à l’École des Beaux-Arts d’Architecture à Paris, où il a obtenu son diplôme DPLG en 1983, suivi d’un Master à l’Université Georgia Tech aux États-Unis. Influencé par des architectes tels que Louis Kahn et Hassan Fathy, il développe un intérêt pour le dessin et l’urbanisme, cherchant à innover en s’inspirant de son vécu. En 1989, il reçoit le prix du jeune architecte arabe et voit ses maisons à patio d’Assilah sélectionnées pour le prix Aga Khan. Lauréat du Grand Prix d’Architecture du Maroc pour l’hôpital militaire Mohammed V, il est également récompensé en 2019 par le Conseil National de l’Ordre des Architectes. Après avoir collaboré avec Henri Tastemain, il ouvre son propre cabinet en 1990, réalisant de nombreux projets, notamment les gares de Marrakech et les hôpitaux d’Oujda et Marrakech. Il a été enseignant-invité au MIT et a poursuivi une carrière académique à l’ENA de Rabat. Son agence, le Cabinet Melehi, défend une approche conceptuelle ancrée dans le contexte local, en intégrant des techniques de construction contemporaines tout en respectant l’environnement.


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