Rétrospective de Mehdi Qotbi à l’IMA

Un pont entre les cultures à travers l'art et l'écriture

La rétrospective consacrée à Mehdi Qotbi à l’Institut du Monde Arabe (IMA) est bien plus qu’une simple exposition d’œuvres d’art. Elle constitue une véritable immersion dans l’univers fascinant de cet artiste franco-marocain, qui a su, au fil des années, réinventer la relation entre peinture, calligraphie et culture. Tisseur d’écritures et peintre de l’abstraction, Mehdi Qotbi nous invite à explorer son parcours unique, marqué par l’altérité et le dialogue entre les civilisations. L’art comme « désécriture », une exposition à découvrir du 15 Octobre au 5 Janvier 2025 à l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris.


L’ART COMME « DÉSÉCRITURE »

Le travail de Mehdi Qotbi se distingue par ce qu’il appelle la « désécriture ». Contrairement à la calligraphie traditionnelle qui se fonde sur un respect strict des règles linguistiques, l’écriture picturale de Qotbi est libérée de tout sens littéral. Ses toiles sont des compositions visuelles où l’écriture devient purement esthétique. Il s’agit d’une langue universelle, faite de gestes fluides, de courbes dansantes et de couleurs éclatantes. Les signes qu’il crée n’ont pas de sens direct, mais dégagent une énergie et une émotion qui captivent le spectateur. Dans cette approche, Mehdi Qotbi redéfinit le rapport entre la peinture et l’écriture, créant un langage visuel propre, profondément personnel et pourtant accessible à tous. Ses œuvres ne cherchent pas à être lues, mais à être ressenties. Ce processus de « désécriture » fait de lui un artiste à part, qui transcende les limites de la représentation.

L’HÉRITAGE MAROCAIN AU CŒUR DE L’ŒUVRE

Bien que Mehdi Qotbi s’inscrive dans une tradition artistique internationale, son œuvre est profondément enracinée dans son héritage marocain. Né à Rabat en 1951, il grandit dans un environnement modeste, marqué par la richesse des motifs et des couleurs des tapis que tissait sa mère. Ces souvenirs d’enfance sont une source inépuisable d’inspiration pour l’artiste, qui revisite régulièrement ces éléments dans son travail. Ses toiles, souvent ornées de motifs géométriques rappelant les zelliges marocains, rendent hommage à cet artisanat traditionnel. Les motifs répétitifs, les entrelacements et les couleurs vives évoquent les tapis marocains, qui sont devenus une métaphore centrale dans son œuvre. Selon Mehdi Qotbi, ces motifs symbolisent le tissage des liens humains, des émotions et des cultures.

UN DIALOGUE ENTRE LES CULTURES

Mehdi Qotbi est un ambassadeur culturel à part entière. Son art dépasse les frontières géographiques et artistiques pour établir un dialogue entre l’Orient et l’Occident. En tant que président de la Fondation Nationale des Musées du Maroc, il œuvre pour la promotion de la culture marocaine à l’échelle internationale. À travers son art, Mehdi Qotbi symbolise l’importance du partage culturel et de l’échange entre les peuples. L’Institut du Monde Arabe, avec cette rétrospective, met en lumière cet aspect de son travail. Mehdi Qotbi puise dans les racines de la culture arabe, tout en intégrant des influences occidentales, notamment les maîtres de l’abstraction lyrique, tels que Henri Matisse ou William Turner. Il crée ainsi des œuvres qui sont autant des hommages à son héritage marocain que des ponts vers l’art moderne occidental. À travers ses collaborations avec des poètes comme Aimé Césaire et Yves Bonnefoy, il fusionne les disciplines pour créer une symbiose entre texte et image.

Mehdi Qotbi, tapisserie réalisée par les Ateliers de l’A.R.T, 189 x 114 cm. Collection particulière © D.R.

UN PARCOURS REMARQUABLE

Le parcours de Mehdi Qotbi, depuis ses premières œuvres jusqu’à sa reconnaissance internationale, est le reflet d’une carrière bâtie sur la persévérance et l’optimisme. Après avoir débuté à l’École des Beaux-Arts de Rabat, il poursuit ses études en France, où il rencontre les grands courants artistiques de l’époque. Son influence ne cesse de croître, jusqu’à devenir une figure incontournable de la scène artistique internationale. Au-delà de sa carrière de peintre, Mehdi Qotbi s’est également investi dans la transmission, enseignant les arts plastiques pendant près de trente ans. Son rôle de médiateur culturel lui permet aujourd’hui de contribuer au rayonnement de l’art marocain à travers des expositions internationales et de nombreuses distinctions, telles que la Légion d’honneur ou l’Ordre du Trône au Maroc.

UNE INVITATION À LA MÉDITATION VISUELLE

Les œuvres de Mehdi Qotbi sont plus qu’un simple plaisir visuel. Elles sont une invitation à la méditation sur la beauté des formes, des couleurs et des émotions humaines. Chaque toile raconte une histoire, souvent intime, parfois universelle, où l’on peut discerner des thèmes de tolérance, d’altérité et de partage. Avec cette rétrospective, l’Institut du Monde Arabe rend hommage à un artiste dont l’œuvre incarne le dialogue, non seulement entre les cultures, mais aussi entre les générations, les disciplines et les émotions.

Assouline

À travers son art de la « désécriture » et ses motifs empruntés à son enfance marocaine, Mehdi Qotbi offre au public une vision unique de l’universalité. Son travail, mêlant calligraphie, abstraction et peinture, s’inscrit dans une démarche de dialogue interculturel. Cette rétrospective à l’Institut du Monde Arabe met en lumière un artiste qui, toute sa vie, a cherché à tisser des liens entre les cultures, à travers la beauté des formes et des couleurs. Un voyage visuel et spirituel qui ne laisse personne indifférent ; puisque les œuvres de Mehdi Qotbi dépassent les frontières de l’esthétique pour devenir de véritables ponts entre les âmes.


ARTICLE PAR Yasmina Hamdi
CRÉDIT PHOTO © D.R.

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