Pourquoi j’ai fait archi ? Hiba Bensalek

Hiba Bensalek, architecte, trace un parcours aussi singulier qu’international, entre Johannesburg, Paris et Marrakech. Après un passage remarqué à l’Agence Urbaine de Marrakech et un engagement profond dans l’enseignement, elle signe aujourd’hui ses propres projets au sein de « Le QG, Agence d’Architecture et d’Urbanisme ». Récemment, elle a conçu le pavillon éphémère du Jardin Majorelle, une œuvre délicate, véritable ode à la terre, où chaque ligne semble préserver l’essence du lieu. À la croisée du patrimoine et de la modernité, Hiba Bensalek défend une vision audacieuse et durable de l’architecture marocaine, où la préservation du tissu ancien se conjugue avec l’écriture contemporaine. Dans une interview exclusive accordée à A+E, elle partage sa vision, entre passion et conviction.


A+E // Présentez-vous-en quelques mots et parlez-nous brièvement de votre parcours professionnel.

Hiba Bensalek : Je suis Hiba Bensalek ; une architecte « marrakchie » diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse et de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La-Villette. J’ai exercé à Johannesburg et à Paris avant de rentrer au Maroc pour partager les connaissances et l’expertise acquises pendant cette phase d’expérimentation. J’ai ainsi travaillé au sein de l’Agence Urbaine de Marrakech, m’initiant aux enjeux urbains de la ville, et développant une connaissance approfondie du territoire marocain et de son évolution.
En parallèle, j’ai également enseigné à l’École Nationale d’Architecture de Marrakech, contribuant à inspirer et former la prochaine génération d’architectes marocains. Désormais, je suis à la tête de ma propre agence d’architecture, « Le QG Agence d’Architecture et d’Urbanisme ».

A+E // Comment définiriez-vous le rôle de l’architecte aujourd’hui ?

H.B. : De nos jours l’architecte joue le rôle d’un équilibriste cheminant sur une fine ligne de crête. D’un côté il doit saisir l’air du temps et comprendre les enjeux contemporains auxquels est confrontée sa pratique, de l’autre, il doit jongler avec des impératifs économiques, techniques et matériels inhérents au monde de la construction tout en défendant une approche personnelle et presque intime dans son rapport à l’acte de concevoir dans ce qu’il peut avoir de diffèrent avec la simple construction.
Je dirais donc que l’architecte doit proposer des espaces qui répondent aux besoins matériels de ses contemporains, à savoir se loger, se nourrir, se soigner etc. et qui entrent en même temps en résonnance avec ce qui fait notre humanité profonde, c’est-à-dire le besoin de sublimer, de se projeter, de rêver.

A+E // Si vous deviez expliquer pourquoi vous avez choisi l’architecture comme métier, quelle image utiliseriez-vous ?

H.B. : J’ai choisi d’être architecte pour explorer les possibles. Comme un archéologue enquête sur des mondes aujourd’hui disparus, l’architecte essaie de recréer des univers dans lesquels il aurait aimé vivre et dont l’écho lui est parvenu, à travers une phrase lue dans un roman de jeunesse, le murmure d’un feuillage lors d’une promenade ou la réminiscence d’une émotion fugace dans une maison d’enfance. Donner corps à ces impressions oubliées et les retranscrire en une réalité matérielle est l’essence même de ma pratique.

A+E // Quel autre métier auriez-vous aimé exercer ?

H.B. : Écrivain ou cinéaste, pour recréer des mondes et des univers alternatifs sur mesure.

A+E // Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes futur(e)s architectes ?

H.B. : De se nourrir le plus possible de voyages, de découvertes, de lectures, de cinéma, de musique, d’expériences ! De tout ce qui peut nourrir leur intellect et leur imaginaire car ce sont les principaux outils à leur disposition pour ensuite modeler une vision à la fois profondément personnelle et pertinente.

A+E // Qu’avez-vous à dire aux jeunes architectes diplômés à l’étranger qui hésitent à rentrer exercer au Maroc ?

H.B. : Le Maroc, est un formidable terrain de jeu et d’expérimentation. Entre le développement économique fort, la prise de conscience relative aux changements climatiques et la redécouverte et la réappropriation d’un patrimoine architectural unique au monde, en termes de matériaux de constructions, de techniques constructives et en matière d’art décoratifs, ce pays offre aux jeunes talents l’opportunité de développer un propos architectural pertinent, avec un fort ancrage culturel local et un rayonnement international certain.

Exercer au Maroc aujourd’hui c’est participer à modeler le paysage urbain de ce pays pour les décennies à venir et défendre une vision de ce que devrait être l’art de vivre au Maroc.

A+E // Quel changement majeur pensez-vous qu’il serait nécessaire de faire dans le domaine de l’architecture au Maroc ?

H.B. : Je pense qu’il est urgent de règlementer les conditions de constructions en matière de matériaux naturels et traditionnels ; afin de sortir du flou juridique qui entoure ces pratiques et qui décourage souvent les professionnels du métier ainsi que la maitrise d’ouvrage d’y avoir recours.

D’autre part, ces savoir-faire s’acquièrent et se transmettent aujourd’hui de maallam à disciple ; ce qui fragilise la pérennisation de cette culture constructive. De plus, la mise en œuvre artisanale limite fortement la capacité d’y avoir recours en termes de temps et de budget.

Il serait donc vital d’amorcer une évolution vers une industrialisation de ces techniques et savoirs faire de construction afin de pouvoir les diffuser à grande échelle et les rendre accessibles au plus grand nombre.

A+E // Le métier d’architecte en une couleur ?

H.B. : La couleur du temps qui passe !

A+E // Le métier d’architecte en une citation ou proverbe ?

H.B. : « L’architecture, c’est ce qui reste une fois la pierre ôtée » Plotin

A+E // Si l’architecture était un son ou une mélodie, lequel choisiriez-vous ?

H.B. : Le son de l’eau qui s’écoulait dans la fontaine du riad mon grand-père quand j’étais enfant !

A+E // Le métier d’architecte en une émotion : laquelle vous vient en tête ?

H.B. : L’espoir d’être heureux !

A+E // Si vous deviez décrire l’architecture avec un parfum ou une odeur, lequel serait-il ?

H.B. : Le parfum du jasmin et de la fleur d’oranger, pour une promenade dans un jardin marocain.

A+E // Quelle saison représente le mieux l’architecture selon vous, et pourquoi ?

H.B. : L’automne car la nature se dépouille de ses artifices et revient à sa structure essentielle avant de reconstruire un nouveau monde.

A+E // Le métier d’architecte en un poème : lequel choisiriez-vous ?

H.B. : « Voyelles » de Rimbaud, car il associe chaque lettre à une couleur et à un paysage tout comme l’architecte associe chaque matériau et chaque geste à une émotion différente.

A+E // Pour vous, l’architecture, c’est avant tout… ? (Complétez avec un mot ou une phrase)

H.B. : La permission de rêver !

INFOS :

Site web : http://www.hibabensalek.com
Lien vers le compte Instagram professionnel :
https://www.instagram.com/hibabensalek.architecte/profilecard/?igsh=Z2p1OHFvaTVqeHYx

Propos recueillis par Yasmina Hamdi


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