Lauréate d’un concours d’architecture, la nouvelle Bibliothèque de Pierrefonds à Montréal incarne à travers son architecture les grands changements en cours dans le monde de la bibliothéconomie.
Pensée comme un croisement entre un parc et un centre commercial, lesquels constituent des troisièmes lieux hautement fréquentés, la bibliothèque de Pierrefonds innove par la vision écosystémique qu’elle met en place. Celle-ci s’intéresse autant aux divers programmes qu’elle abrite qu’aux relations qu’entretiennent ces programmes entre eux.
Véritable réseau d’échanges sociaux et informationnels, l’ensemble de ces relations prend forme dans une structure de circulation complexe permettant de renouveler l’expérience de la bibliothèque à chaque visite.
La conception de la bibliothèque de Pierrefonds innove également dans son rapport au paysage, son approche technologique discrète mais participant activement à la scénographie des lieux et à la mise en valeur des collections. Ces dernières sont structurées par pôles thématiques afin notamment d’en augmenter l’accessibilité.
« La planification de l’ensemble s’inspire du pragmatisme économique des centres commerciaux, des gares et des aéroports tout en évitant d’en reproduire les inconvénients. »
ENTRE UN PARC IDEAL ET UN CENTRE COMMERCIAL
L’étude approfondie de ce document ainsi que la manipulation et la réorganisation de ces différents types d’espaces, notamment des espaces verts, auront permis de jeter les premières bases du projet. C’est ainsi qu’est apparu le jardin intérieur, conçu par un processus d’extraction, qui permet d’amener de la lumière naturelle et une partie du boisé au centre du projet, tout en constituant un pôle organisationnel et référentiel pour les usagers et les employés de la bibliothèque.
L’autre typologie étudiée fut celle du centre commercial, certes très critiquée, mais néanmoins typique des environnements suburbains. Bâtiment informe, obéissant à des impératifs fonctionnels et économiques, le centre d’achats présente un ou plusieurs centres névralgiques. Ces centres, véritables lieux d’échange et d’activités diverses, sont presque toujours surmontés par un grand puits de lumière naturelle venant appuyer la composition.
Le réseau de circulation alimenté par des entrées multiples et forçant certains passages obligés constitue une autre caractéristique importante des centres commerciaux. Ainsi, les escaliers suspendus dans les atriums centraux sont souvent volontairement inversés afin d’allonger le parcours du visiteur. Cette typologie présente un intérêt pour l’organisation de la bibliothèque puisqu’elle met en œuvre un bon nombre des qualités spatiales qui sont recherchées dans la création d’un troisième lieu : libre circulation des usagers, flexibilité dans l’organisation des espaces, mouvements et expériences pluriels.
L’organisation du projet dans sa configuration en « ailes » convergeant vers un espace de rencontre, son réseau d’escaliers croisés, le gradin, les ouvertures dans les planchers permettant des connexions visuelles, la multitude de puits de lumière et l’espace civique s’inspirent directement de la typologie des centres commerciaux.
Sur le plan formel, le projet obéit à des contraintes similaires et se module selon les forces en place. Au lieu d’être purement économique et fonctionnelle, la forme du bâtiment est tantôt attirée par le désir de manifester sa présence urbaine sur le boulevard de Pierrefonds et de se rapprocher du boisé adjacent, tantôt pressée de se rétracter afin de mettre en valeur les îlots de verdure présents sur le site.
L’intégration au programme de la bibliothèque d’un laboratoire de fabrication, d’un laboratoire multimédia et d’un espace de socialisation central, incluant le café, reflètent également la vision du projet d’offrir un espace civique aux multiples services et destiné à tous les publics.
TRANSPARENCE BLANCHE
Les formes et les matières du projet sont simples et destinées à disparaître pour mettre en valeur les paysages, les usagers et les contenus. Le blanc présente ainsi un canevas neutre sur le fond duquel se détache le paysage et ses couleurs changeantes ainsi que les visiteurs et les documents qui habitent présentoirs et rayons. Les surfaces blanches – murs, plafonds et rayonnages – permettent également de réfléchir et multiplier la lumière naturelle qui entre par les grands murs-rideaux, la cour intérieure, la verrière au-dessus du gradin ainsi que par les multiples puits de lumière qui percent la toiture. Aussi, même par temps sombre, la bibliothèque demeure lumineuse.
Le bâtiment est enveloppé d’un système de murs-rideaux émaillé ponctué par des sections en aluminium blanc. Certains panneaux de verre sont sérigraphiés pour créer une transition fluide entre transparence et opacité. L’enveloppe intérieure est aussi texturée : des panneaux d’aluminium perforés sont situés au plancher et au plafond et servent de distribution au système de ventilation.
La dalle de l’étage est en porte-à-faux sur presque tout le périmètre du bâtiment. L’impression de légèreté de l’ensemble représentait un défi structural qui a été résolu en faisant apparaître la dalle de plancher aussi mince que possible. La structure d’acier a été élaborée en collaboration avec les ingénieurs structuraux, spécialement la verrière au-dessus des gradins face au boisé.
Finalement, le nouveau bâtiment s’étend autour de l’ancienne bibliothèque. La jonction entre l’enveloppe du nouveau bâtiment et la façade existante constituait un autre défi technique et esthétique. Plusieurs briques ont été récupérées pour créer des partitions rappelant les contours de l’ancien bâtiment à l’intérieur. L’intégration de la mémoire de la bibliothèque d’origine dans le nouveau projet était fondamentale.
DISTRIBUTION ET ORGANISATION DES COLLECTIONS
En lien avec l’approche bibliothéconomique d’organisation des collections en pôles thématiques souhaitée par le client, les architectes ont développé une approche qui donne priorité aux individus et à l’interaction entre ces derniers. Ils ont opté dans un premier temps pour une organisation assez dense des collections afin de dégager au maximum le centre des espaces et accentuer la forme du plan sans toutefois obstruer les vues intéressantes.