Chaque année, la Journée Nationale de l’Architecte, orchestrée par le Conseil National de l’Ordre des Architectes du Maroc (CNOA), met en lumière le rôle déterminant de l’architecte en tant qu’acteur stratégique des mutations contemporaines. La 39ᵉ édition, tenue les 13 et 14 janvier 2025 à Fès, a interrogé la posture de l’architecte citoyen face aux impératifs du changement climatique, en mettant l’accent sur les enjeux vitaux de l’énergie et de l’eau.
Cette édition a conjugué conférences de haut niveau, débats prospectifs, visites et explorations du patrimoine architectural de la ville ancestrale de Fès, tissant ainsi un dialogue fertile entre mémoire urbaine et perspectives d’avenir. Pour mieux comprendre les enjeux de cette édition, Chakib Benabdallah, président du CNOA pour un second mandat, partage avec nous sa vision sur le rôle de l’architecte face aux défis de la transition écologique et sociétale.
INTERVIEW AVEC CHAKIB BENABDALLAH
A+E // Quel message principal souhaiteriez-vous transmettre aux architectes marocains à l’issue de cette Journée Nationale de l’Architecte ?
La journée nationale de l’architecte, est une commémoration du discours de feu Sa Majesté le Roi Hassan II et la lettre royale de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste, qui constitue une véritable feuille de route pour les architectes marocains et une vision clairvoyante. C’est un rappel de leur engagement citoyen envers notre nation et nos valeurs.
A+E // L’édition de cette année a mis l’accent sur la gestion de l’eau et de l’énergie ; avec un focus sur la ville de Fès. Quels enseignements concrets en avez-vous tirés, et comment peuvent-ils être appliqués dans les projets architecturaux au Maroc ?
Le discours royal prononcé à l’occasion de la fête du Trône a, comme chaque année, rappelé les priorités de notre pays et incité toutes les forces vives à se mobiliser pour trouver des solutions innovantes. Il a également souligné l’importance d’intégrer dorénavant la problématique de l’eau et de l’énergie dans toutes les politiques et stratégies.
Notre secteur est particulièrement concerné par cette problématique, d’abord en tant que consommateur, mais aussi en tant que générateur des taux les plus élevés d’énergies grises. Il est donc primordial de s’orienter vers d’autres alternatives et de les intégrer désormais dans une vision globale.
La ville de Fès a été choisie comme modèle marocain, à la fois ancrée dans ses traditions respectueuses des ressources locales et résolument tournées vers l’avenir.
A+E // Le Maroc, pays en proie au stress hydrique, doit faire face à des défis croissants liés à l’eau. Selon vous, comment les architectes peuvent-ils intégrer des solutions innovantes et durables pour relever ce défi ?
Les architectes sont les premiers acteurs de la chaîne de construction. En tant qu’aménageurs de l’espace et des territoires, ils ont la capacité d’influencer les choix du maître d’ouvrage, qu’il soit public ou privé.
Agir sur le taux généré des énergies grises est possible, que ce soit en amant en sélectionnant des matériaux performants, ou après, lors de l’exploitation en utilisant des alternatives qu’on pourrait qualifier de vertes. Les mots récupération et recyclage doivent dorénavant faire la place à des usages révolus, comme l’utilisation de l’eau potable lors de la construction ou pour le réseau d’arrosage ou de sécurité.
A+E // Lors des conférences, des experts ont évoqué l’importance de l’énergie grise et de l’adaptation des infrastructures climatiques. Quelles recommandations clés ont émergé de ces échanges ?
Il était question de mettre en avant le rôle de l’architecte dans la réponse aux défis du changement climatique et de la gestion durable des ressources, notamment en matière d’eau.
Les principales recommandations issues de cette 39ème journée sont :
- Identifier les risques liés au climat et mettre en œuvre des stratégies d’adaptation
- Renforcer la gouvernance territoriale pour répondre aux défis climatiques
- Promouvoir une économie circulaire et introduire les infrastructures durables pour l’eau
- Réutiliser des matériaux de construction et intégrer des principes d’éco-conception
- Présenter des dispositifs tels que le détecteur de flux d’eau et analyser le cycle de vie (ACV) pour évaluer les impacts environnementaux des bâtiments
- Mettre en place des taxes pour réduire l’usage de matériaux à fort impact environnemental, comme le ciment non durable
- Tenir compte des aléas climatiques dans les documents d’aménagement du territoire
- Renforcer les compétences des acteurs à une gestion durable des ressources hydriques
A+E // Comment le CNOA envisage-t-il de pérenniser et de renforcer les engagements pris lors de cette journée, notamment à travers des partenariats ou des initiatives futures ?
Il est important de veiller à la concrétisation des recommandations issues de cette journée dans la mesure du possible, tout d’abord, en sensibilisant les architectes et en multipliant les journées d’étude et les formations ciblées et puis, en créant des partenariats avec les différents acteurs.

Enfin, il est essentiel d’adopter comme Label « Réduire, réutiliser, recycler » pour la gestion urbaine des ressources naturelles !
Propos recueillis par Yasmina Hamdi