L’ange gardien de l’architecture s’en est allé

Pionnier de la presse spécialisée du bâtiment au Maroc et en Afrique, explorateur acharné du monde de l’architecture, tisseur bienveillant des liens au sein de la profession et du secteur, il est retourné chez notre Créateur, le 13 juin 2024. Le sourire éternel de Fouad Akalay, expression intense de ses nobles qualités, imprimera à jamais son œuvre, autant que l’architecture contemporaine dans notre pays.


Il nous a quittés en cette terrible année 2024 que nous vivons ici-bas, parti pour la grande Rencontre avec le Très-Haut Tout-Puissant, pour l’Heureuse Eternité Céleste qu’il a tout pour mériter Inchallah. Son sourire perpétuel et sincère, expression intense de sa personnalité, recelait aussi dans son éclat quelque étincelle subtile du rendez-vous paradisiaque. Y repenser atténue la tristesse de son absence et console. Je voudrais évoquer ne serait-ce que l’une de ses dernières attitudes, en sa dernière année de vie, alors qu’il se trouvait dans un état d’extrême fragilité. On lui téléphone en ignorant complètement qu’il ait pu avoir le moindre souci de santé et qu’il était en train de traverser une dure épreuve. Il décroche le GSM presqu’instantanément, on demande son avis pour l’achat d’un appartement, sa localisation, … Il donne toutes les informations, tous les conseils nécessaires, avec son enthousiasme et sa gentillesse habituels, en exprimant sa joie et ses félicitations pour cette future acquisition. Puis, il révèle qu’il est en clinique, vient de subir une opération, juste la veille ; greffe de rein donné par sa noble épouse qu’il aimait tant, hospitalisée en ce moment même près de lui. Il annonce tout cela avec une simplicité désarmante, le sourire transparaissant dans la voix, dédramatisant la situation et rassurant que tout s’était très bien passé… Quelle est cette sagesse, cette confiance en Dieu, cette bonté infinie d’avoir répondu au téléphone et prodigué tous ces conseils en un tel moment ?! Tout cela, c’est bien lui, Fouad Akalay. Cette conversation téléphonique témoignerait à elle seule de plusieurs aspects de sa personnalité extraordinaire.

Sagesse et bonté certes, accompagnées d’une grande humilité, d’une formidable sympathie, de générosité d’âme et d’élégance d’esprit, d’un sens élevé et intense de l’amitié qui peut aller jusqu’à l’abnégation. Une de ses proches me disait le jour de ses funérailles que lors de leurs voyages de vacances organisés en groupes d’amis, couples et enfants, Fouad veillait tout le temps à contenter les caprices de chacun, à rendre le voyage des plus agréables et joyeux. En dehors des vacances, sa compagnie et sa présence étaient toujours aussi rayonnantes. Toujours à l’écoute de ses amis ou simplement des gens qu’il apprécie, de leurs problèmes, de leurs projets, prêt à les soutenir, leur rendre service, les conseiller. Même derrière son bureau et submergé de travail, assailli d’appels téléphoniques ou d’irruptions de collaborateurs, il ne réprimait jamais son empathie, tout en demeurant rigoureux et organisé. Ses qualités, ses valeurs et son humanisme illuminaient son intelligence, son intellect et sa culture. Il était passionné par son métier qu’il nourrissait incessamment de son dynamisme et de sa créativité. Il a accompli brillamment sa mission, dans l’honnêteté et la transparence, la joie de vivre, de travailler, de procurer le bonheur et l’harmonie à sa famille qui était au centre de sa vie.

BIFURCATION INÉDITE

Natif de Casablanca en 1958, sa ville d’origine familiale est Tanger. Le pittoresque et la poésie de cette cité lui auraient peut-être transmis sa fibre artistique, son esthétisme, son ouverture sur le monde. Diplômé de l’Académie Royale des Beaux-Arts Victor Horta de Bruxelles, il occupa de grands postes dès son retour au pays en 1984, tels que la direction technique de la SMECC (Société Marocaine des Entreprises Cantaverena et Chisari) ou celle de Readymix Corporation Group, multinationale dans l’industrie du béton. Puis il défie tout parcours classique et enclenche une bifurcation inédite, très originale dans le pays. Il prit donc un sentier inconnu qu’il se mit vaillamment à défricher, aventure périlleuse à bien des égards, surtout financièrement. C’est alors qu’en 2000 il fonde le groupe Archimedia, en association avec Salma Zerhouni, autre figure éminente de l’architecture et de la culture au Maroc. Bien que les métiers de la presse soient coûteux et difficilement lucratifs, Archimedia ne tarde pas à devenir le premier et unique groupe de presse spécialisée dans les métiers du bâtiment au Maroc et sur le continent.

Le groupe comprend quatre supports mensuels, Architecture du Maroc, belle revue marquée par son caractère artistique qui deviendra par la suite A+E Magazine (Architecture + Environnement), ainsi que Chantiers du Maroc, Clefs en Mains et l’Officiel de l’Immobilier d’Entreprise, qui livrent tous les projets et plans architecturaux du pays avec toutes leurs spécificités techniques, ainsi que la conjoncture économique du secteur.

Cette orientation atypique dans la trajectoire de Fouad fut avantageuse pour toute la profession, pour tous ses collègues, tout comme pour l’architecture elle-même et le paysage architectural marocain. Par ses recherches inlassables, ses multiples voyages, sa curiosité intellectuelle inépuisable, sa culture enrichie en permanence, les articles de réflexion et d’analyse et autres interviews proposés dans ses publications, que ce soit de sa propre plume ou de celles de nombreux architectes et intellectuels auxquels ses revues donnaient tribune libre, il ne cessait d’explorer en profondeur l’architecture elle-même en tant que science, expression artistique et civilisationnelle, art de vivre, créations et édifications devant être en dialogue constant avec la société, avec l’époque, avec le développement du pays. Il a dans cette optique largement contribué à la valorisation du métier de l’architecture et surtout de son caractère pleinement artistique, autant qu’à la sensibilisation et à l’éveil des consciences pour l’épanouissement et l’évolution de l’architecture contemporaine au sein de notre pays. Il avait par ailleurs un intérêt soutenu pour l’architecture traditionnelle en tant que patrimoine, ainsi que pour l’artisanat et ses possibilités de modernisation. Par tout ce travail dont il se fit pionnier et maître, il conféra une nouvelle dimension à la ville et à la vie citadine elles-mêmes.

Les revues spécialisées du Groupe Archimedia offrent une mine d’informations précieuses, d’idées, de connaissance, à tous les architectes. Mais encore, en parallèle à ces publications sont organisés par le Groupe tout au long de l’année, des salons, forums et autres conférences-débats, tout un programme événementiel toujours aussi édifiant que convivial, qui favorise la rencontre régulière des professionnels dans une belle ambiance, leur amitié et leur solidarité, la naissance éventuelle de nouveaux projets.

Fouad Akalay lègue tout cela à la fois, à l’architecture et aux professionnels nationaux, avec son éternel sourire, sa fidèle et sincère amitié. Sa fille Fatima-Zahra Akalay, joliment appelée Frou, reprend le flambeau de cette magnifique odyssée, avec les mêmes compétences, les mêmes dévouement et patriotisme, le même charme que son père.

Cher Fouad, très cher ami, tu nous manqueras énormément. Que ton âme repose dans la Paix, la Miséricorde et la Satisfaction Divines, au voisinage, par la Volonté Divine, de notre Prophète Très Aimé, Prières et Salut Divins pour Lui.

Bouchra Lahbabi


ARTICLE PAR Bouchra Lahbabi
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