À travers cette rencontre avec A+E Magazine dans la rubrique Office Life, Amine Bencheqroun nous ouvre les portes d’une pratique architecturale où mémoire et contemporanéité s’entrelacent. Héritier d’un nom intimement lié à l’histoire du cabinet Bencheqroun & Benjelloun, fondé en 1985 par son père Khalid Bencheqroun et Youssef Benjelloun, il trace aujourd’hui une voie résolument singulière avec son agence créée en 2020.
Dans les murs mêmes où s’écrivait une première aventure familiale, il compose désormais son propre langage : une architecture qui conjugue rigueur technique et liberté créative, et qui se nourrit autant des références modernistes que des élans d’une modernité en devenir. L’agence se définit comme un véritable atelier de récits, où le cinéma, la littérature et la culture visuelle contemporaine irriguent la pensée architecturale. Chaque projet s’y déploie comme une narration subtile, un espace façonné par le dialogue entre héritage et invention. Bienvenue dans l’univers d’Amine Bencheqroun !
A+E // Quelle est la première chose que vous faites en rentrant au bureau ?
Amine Bencheqroun : Je traverse l’open space, salue l’équipe, échange quelques idées, mais aussi quelques mots sur la pluie, le beau temps, et le dernier chantier en cours. Un moment quotidien, presque rituel, comme le lever de rideau sur une scène partagée.
Cela me rappelle le début des pièces de Tchékhov, où la banalité du quotidien masque toujours des tensions créatives souterraines. La lumière naturelle qui baigne la pièce, conjuguée à la vue plongeante sur la côte, donne une impression d’espace et d’horizon, instillant une respiration nécessaire avant la journée.
A+E // Quel est le premier projet conçu dans vos bureaux ?
A.B. : Un espace de coworking, les locaux d’une société dans le digital et un concept-store, trois programmes qui résonnent avec l’esprit du lieu : hybrides, ouverts, où l’architecture devient support d’usages multiples. C’était une manière de tester notre propre terrain de jeu, comme une première exposition dans un atelier fraîchement ouvert.
A+E // Quel est le premier objet acheté ou posé ?
A.B. : La bibliothèque, qui rassemble mes ouvrages personnels et professionnels. Véritable mémoire du lieu, elle incarne le socle de notre réflexion et la source d’inspiration permanente. Chaque livre est une porte ouverte vers un monde à bâtir.
A+E // L’espace où vous vous regroupez ?
A.B. : La table de réunion, destinée aux orientations stratégiques et l’open space, qui favorise les échanges techniques quotidiens. Ces deux scènes s’articulent comme un seul espace de création collective, chorégraphié pour favoriser la circulation des idées, à la manière d’un film de Wes Anderson où chaque plan est soigneusement orchestré.
A+E // Le coin où vous vous isolez le plus ?
A.B. : Mon bureau, sans doute. C’est là que je me replie pour produire. Que ce soit dessiner, écrire ou préparer les cours pour mes étudiants. En fond sonore, du rock classique des années 80, parfois des riffs familiers de Dire Straits ou de Tears for Fears, qui rythment la réflexion.
A+E // Quelles sont vos références et inspirations pour vos bureaux ?
A.B. : L’inspiration provient du dialogue entre mémoire et invention, incarné par des figures comme Aldo Rossi ou Carlo Scarpa. J’ajoute Georges Perec pour son attention portée aux lieux du quotidien, ainsi que le pop art et le street art, notamment Keith Haring, qui insufflent une énergie vibrante et spontanée.
Cette fusion traduit la volonté d’ancrer l’architecture dans une culture urbaine vivante, mêlant rigueur et audace.
A+E // Quelle est la règle d’or de votre agence ?
A.B. : L’égalité. Chaque voix compte. Chaque projet est collectif, chaque réussite est partagée. Il n’y a pas de premier rôle, seulement une œuvre commune. Comme dans les ateliers de la Renaissance, où le maître et l’apprenti partageaient la même lumière.
A+E // Quel est votre meilleur souvenir au sein de l’agence ?
A.B. : L’impression d’essai de la planche du concours pour le Grand Théâtre de Fès. Ce moment suspendu où l’on se dit : ‘’Et si… ? ‘’ Et si le projet devenait réalité ? Et il l’est devenu. Il y avait quelque chose dans cette révélation, comme lorsqu’on développe une photo argentique dans le noir et que l’image apparaît lentement.
A+E // Quelle a été votre pire charrette au bureau ?
A.B. : Aucune… ou toutes. Une charrette, c’est comme un scénario de Peter Greenaway : il y a l’excitation, la réflexion, le doute, la fatigue, parfois même la colère. Puis, le dénouement. Et, souvent, une fin à l’américaine : joie, fierté et nostalgie de cette épreuve partagée. C’est notre propre odyssée, en 24 heures chrono.
A+E // Votre moment préféré de la journée ?
A.B. : Vers midi, quand le soleil entre à plein sud, l’atmosphère est douce et les idées fluides. Et puis le soir, en charrette : quand l’immeuble s’apaise, que les langues se délient, que le travail devient presque une musique. Il y a dans ces moments un air de jazz improvisé, collectif, mais toujours accordé.
ÉQUIPE DE CONCEPTION ET COLLABORATEURS
Architecte principal : Amine Bencheqroun
Collaborateurs clés : Khalid Bencheqroun, Mohammed Riteb, Jamal Michen, Khadija Saber, El Azzouzi Mimoune, Badr Azzouzi, Soumia El Arabi, Youssef Benjelloun







CONTACT
Amine Bencheqroun
abencheqroun.architecte@gmail.com
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www.aminebencheqroun.com
Instagram : @abencheqroun.architecte
Propos recueillis par Yasmina Hamdi