Le Palais Bulles – Pierre Cardin

L'architecture haute couture

Antti Lovag, architecte

Perché sur les hauteurs de Théoule-sur-Mer face à la baie de Cannes, le Palais Bulles, rosi par le soleil du Sud, subjugue par ses courbes organiques à la fois féminines et futuristes. Érigé en 1984 par Pierre Bernard avec la complicité de l’architecte Antti Lovag, ce superbe lieu aux mille hublots, acquis par le couturier Pierre Cardin, en 1992, accueille festivités et défilés.

Nous vous organisons une visite guidée, sous tous les angles, de cette villa unique au monde.

Véritable joyau d’architecture inspiré de l’habitat troglodyte, soit un retour aux constructions primaires de l’Humanité, Pierre Cardin dit du palais que « c’est le corps d’une femme ».


Courbes sensuelles, couloirs labyrinthiques, pièces sphériques éclairées par mille hublots donnant sur le ciel ou la mer… Cette villa rose solaire abrite des œuvres de jeunes artistes et de sublimes pièces de mobiliers Sixties et Seventies acquises par le créateur et mécène français décédé le 29 décembre 2020. Son ambition première a été de faire du Palais Bulles un écrin de modernité et de créativité, a l’exemple du théâtre en plein air aménagé sur son flanc.

Face au Palais Bulles s’étend la Méditerranée. Le regard s’accroche, un temps, sur les iles de Lérins puis suit la cote jusqu’à la baie de Cannes. La vue est imprenable. L’ « habitologue », comme se qualifie Antti Lovag, crée des « bulles » en voile de béton, qui se développent et épousent la pente du terrain. Leur couleur ocre rappelle celle de la roche, et de la terre d’Esterel, et contribue à intégrer cette immense sculpture de 1 200 m2 habitables dans le site. Sous ses coques sphériques, elle abrite un grand séjour, un salon de réception, une salle a manger, une salle de conférence, deux bureaux, une dizaine de suites avec salles de bains intégrées …   

Toutes différentes, les pièces sont desservies par un long couloir sinueux et un dédale de galeries et d’escaliers voûtés. Partout l’angle droit est banni au profit de volumes arrondis et de lignes courbés. L’architecture donne toute son importance à la lumière naturelle. Du matin au soir, elle pénètre dans la maison à travers de grandes baies rondes ou en ellipses, par des puits de lumière, ou encore des oculi zénithaux bombés comme des hublots.

L’unité est parfaite entre l’intérieur et les terrasses ou se prolonge le sol en marbre rouge d’Iran. L’ouverture ovale donne l’occasion de zoomer sur la mer et les palmiers du petit jardin circulaire. Autant d’ouvertures qui servent la relation permanente entre l’extérieur et l’intérieur, l’osmose entre l’homme et la nature. Celles-ci cadrent des coins de paradis, ici la vue sur la mer, la sur la nappe d’eau de la piscine à débordement, ailleurs sur les palmiers du jardin ou encore sur les bassins qui s’alimentent en cascades, créant un apaisante musique de fond.

C’est dans cette résidence, où il reçoit ses amis, organise des fêtes et même un défilé de mode en 2008, que le couturier a trouvé le cadre idéal pour placer sa formidable collection de meubles, luminaires, œuvres et objets des années 1960-1970. Car cet infatigable créateur, à qui l’on doit la robe bulle, les cosmocorps inspirés de la conquête spatiale, l’intervention du prêt-à-porter et des centaines d’objets griffés, est passionné d’art et de design. Dans le grand salon de réception, les formes végétales et futuristes des fauteuils en moquette, dessinés par Pierre Cardin et réalisés par Claude Prévost, répondent aux rondeurs de l’architecture.

Résolument contemporains, ses meubles procèdent d’une approche sculpturale et utilisent aussi bien de l’Altuglas ou de l’acier que des matériaux et des techniques de haute ébénisterie traditionnelle. La salle à manger, dans le prolongement du grand salon, est éclairée par une rangée de fenêtres ovales en quinconce. Les chaises et la table en laque et résine ont été dessinées par Pierre Cardin.

Une moquette recouvre le sol et les murs de quelques suites aux volumes concentriques, dessinées comme des coquillages. Un bureau, dessine par Pierre Cardin, a été place dans l’alcôve d’une petite pièce en mezzanine, située au-dessus de la salle de conférence. Tous ses éléments font du Palais Bulles, une folie avant-gardiste.

Pour la conception de l’escalier, Antti Lovag s’inspire des formes naturelles qui évoquent parfois la morphologie humaine. Elle allie la rencontre de l’habitat primitif et celui du futur, de la maison troglodyte et du vaisseau spatial ou marin.

Pierre Cardin a lui-même dessiné certains meubles que l’on retrouve, de pièce en pièce, aux côtés des créations de Pierre Paulin, Maria Pergay, Serge Manzon, des œuvres de Lucio Fontana ou Miguel Berrocal. On retrouve également des fresques murales signées Patrice Breteau, Francois Chauvin, Gerald Le Cloarec, Dominique Maraval, Jérôme Tisserand ou Daniel You. 

Il y a du Gaudi dans les courbes et circonvolutions du Palais Bulles, du Stanley Kubrick dans le pop-psychédélique et du Lewis Carroll dans ce labyrinthe étrange recevant la lumière du jour à travers ses mille bulots. Ni angles ni arêtes vives, tout est rend.

Un homme qui n’aime que les ronds peut-il décrocher la Lune ? « Oui », répond en souriant Pierre Cardin. Le Palais Bulles, mythique, reste là, immuable. Structure-sculpture géante a la gloire de la sphère, il continuera à briller pour l’éternité.

Pierre Cardin

ARTICLE PAR KENZA EL IDRISSI
CRÉDIT PHOTO LE PALAIS BULLES

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