Plaza Toro – Younes Diouri, Hicham Khattabi, Jawad Khattabi

Younes diouiri, Hicham Khattabi, Jawad Khattabi

Avec l’intérêt grandissant de la communauté espagnole pour les corridas, il était naturel d’offrir à la ville de Tanger des arènes dédiées aux évènements de la tauromachie. Quatorze mois de travaux ont abouti à l’inauguration de ce monument patrimonial de taille « Plaza Toro », érigé en 1949, tombé en ruine depuis des années. Les façades dégradées et écaillées ont effacé l’esprit hispano-mauresque du projet qui a connu son dernier évènement il y a plus de 50 ans.

Ce lieu qui débordait de vie, animé par les applaudissements et les vivats à coup de « ollé » sous les yeux émerveillés des jeunes passionnés, a laissé place à quelques figuiers et oliviers esseulés venus enterrer dans la solitude et le silence leurs racines.

L’enthousiasme et la passion qui y régnaient générés par les 13 000 spectateurs amoureux de tauromachie, qui pouvaient assister aux spectacles, est devenu froideur et désintérêt. Mais ce lieu, qui a pendant longtemps nourri l’imaginaire des jeunes tangérois alimenté par les narrations de leurs ainés, qu’on a pensé avoir subi sa dernière estocade n’a pas dit son dernier mot. La ville a voulu lui redonner un nouveau souffle.



Sans toucher à son identité culturelle, Younes Diouri, Jaouad Khattabi, et Hicham Khattabi, ont réussi avec leur projet largement distingué, à proposer une réhabilitation au plus près de la réalité historique, tout en adaptant l’existant aux dernières normes de sécurité. Des profils complémentaires, tous attachés à leur ville de cœur, qui ont formé un groupement réussi pour ce concours lancé par l’APDN et la Wilaya de Tanger.

Evènements et spectacles d’envergures pourront prendre place à nouveau dans ce bâtiment restitué, avec une visibilité claire pour tous les usagers. La structure existante a été préservée, et la toiture en teinte rouge envisagée, est une interprétation du concept Vélum originel, un clin d’œil à Tingis la romaine. Sa disposition permet également de soutenir les dispositifs d’éclairage pour illuminer les évènements escomptés. Briques rouges et peinture blanche se confondent, tandis que les détails des ouvertures, rappelant les moucharabiehs, suggèrent un mix and match cohérent.

Entre la fontaine sèche, la terrasse de restauration, l’agora, l’espace d’exposition extérieur et les gradins, l’esplanade de plus de 1 Hectare suggère un dynamisme remarquable. Elle propose des promenades agréables en offrant au quartier, qui a connu une forte densification, un espace de divertissement par excellence. Ces aménagements extérieurs suivent le rythme circulaire des arènes, et se forment en tracés curvilignes distrayants. Une esthétique agréable, une conception fonctionnelle, et des circuits fluides, découlent d’une réflexion poussée et du travail collectif acharné des trois architectes.


Une cohérence indéniable se dégage de cette conception, mais le groupement n’empêche pas chacun d’avoir une perception propre et un retour différent. Pour vous introduire dans les coulisses d’un travail aussi délicat, nous avons posé quelques questions aux architectes. Découvrez les visions de Younes Diouri et Hicham Khattabi dans cette interview croisée :

A+E / / Quelle phase de conception avez-vous le plus apprécié travailler pendant ce concours de la réhabilitation de Plaza Toro ?

Younes Diouri, architecte.

Younes Diouri : « La phase de recherche sur l’histoire du lieu. Il s’agissait de redonner ses lettres de noblesses à un bâtiment déjà chargé d’histoire. Pour cela il fallait tout d’abord en comprendre l’essence. Et puis notre apport en tant qu’architecte pour compléter l’œuvre. »

Hicham Khattabi : « Etant donné que les membres du groupement sont tous de Tanger et que nous connaissions assez bien l’histoire du site, nous avions tous, déjà dans notre imaginaire, une vision personnelle de ce monument, avant même le lancement du concours.  Pour répondre à la question, je dirai que c’est justement le moment où chacun avait exposé son avis et la phase qui en a découlé, pour mettre en place une vision commune du projet, car finalement notre proposition est la résultante de chacune de nos idées. »

A+E / / Comment s’est faite l’organisation d’un travail en groupe pour ce projet ?

Y.D : « Le travail s’est fait de façon naturelle comme l’aurait fait une seule et même entité. C’est spontanément que nous avions « additionné » nos profils qui s’avèrent très complémentaires. Le cabinet Khattabi a une grande expérience dans les équipements à grande capacité d’accueil avec notamment le stade de Tanger et ses 45 000 places. Notre agence, YDA, (Younes Diouri Architectes) quant à elle a remporté plusieurs concours sur des sujets de réhabilitation comme l’usine de séchage de Khouribga, un patrimoine industriel construit en 1920, transformé en musée/fabLab/bureaux, ou encore l’ancienne usine de Coca Cola à Sidi Maarouf dessinée par l’architecte Louis Riou en 1970 qu’on a reconverti en Retail Park. »

H.K : « Notre agence a pu concevoir et réaliser des projets de grandes envergures (stade Ibn Battouta de Tanger, faculté de médecine et de pharmacie de Tanger, réhabilitation de la cinémathèque RIF, centre culturel et campus universitaire d’Al Hoceima). Le Cabinet Diouri a, pour sa part, une large expérience sur des projets de réhabilitation. Ainsi dès le départ il nous a semblé assez évident que la synergie de nos deux cabinets produirait une proposition cohérente et attractive. »

A+E / / Le résultat final répond-il à vos attentes premières ?

Hicham Khattabi, architecte

Y.D : « Le challenge est de taille. Le chantier étant en cours nous en rediscuterons. »

H.K : « Etant un projet en cours de chantier, le résultat final n’est pas encore d’actualité, mais bien évidement nous espérons que la nouvelle fonction des arènes de Tanger pourra faire rayonner la vie culturelle de notre ville. »

A+E / / Selon vous, quelle image pourrait attribuer cette conception à la ville de Tanger ?

Y.D : « L’image d’un renouveau respectueux de son passé et s’ouvrant à un futur radieux. »

H.K : « Certains lieux publics de Tanger présentent de grandes potentialités de reconversion. La seconde vie de ce monument traduira l’image d’une ville capable de se régénérer et de transformer ses espaces délaissés en des espaces qui donnent naissance à un nouveau lieu d’urbanité. C’est dans cette vision que s’est inséré notre projet de réhabilitation des arènes de Tanger. »

Plaza Toro – Concours

A+E / / D’après votre expérience, quelle a été la plus grande difficulté rencontrée durant la conception de ce projet ?

Y.D : « Défendre les grandes idées auprès des décideurs. »

H.K : « Les arènes de Tanger, ont été conçues pour répondre aux règlements de sécurité d’une autre époque. Dans sa configuration passée à 11 000 places, l’arène ne répondait pas aux normes de sécurités actuelles. Ainsi l’un des points les plus sensibles à traiter, a été de conserver la peau de l’édifice en tant qu’élément de paysage urbain tout en répondant aux exigences de sécurité actuelles pour recevoir un grand public. »

A+E / / Quel a été le plus grand atout du travail d’équipe ?

Y.D : « Une intelligence collective. De beaux échanges pour trouver les équilibres architectoniques. »

H.K : « Le résultat. »

A+E / / Quel a été votre meilleur souvenir durant cette période de travail ?

Y.D : « Une passion partagée pour la ville de Tanger et de son identité. Et puis l’annonce du résultat du concours. »

H.K : « Les longues charrettes et la remise des prix »

A+E / / Pouvez-vous décrire Plaza Toro en une phrase ?

Y.D : « Plaza Toro est le cœur battant de la ville de Tanger. Sa pièce urbaine la plus représentative et la plus emblématique de son histoire. »

H.K : « La réhabilitation des anciennes arènes de Tanger c’est donner l’opportunité aux Tangérois de réécrire une nouvelle histoire, passant d’un lieu de souvenirs de « Matadors » en un véritable espace de partage et de spectacle. »


ARTICLE PAR Lina Cherti
CRÉDIT PHOTO

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