Réhabilitation de l’ISIC: un nouveau souffle de vie à Rabat

L’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat s’apprête à revêtir une nouvelle allure, grâce aux travaux de réhabilitation entrepris par l’agence AEH Architecture. Une métamorphose en perspective pour ce haut lieu académique, où l’expertise architecturale se conjugue avec la modernisation de ses infrastructures. Rencontre avec Anas El Himdi, l’architecte en charge du projet, qui a généreusement partagé ses perspectives et répondu à nos questions. L’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat se métamorphose sous ses directives, offrant un aperçu captivant des ambitions architecturales de cette réhabilitation portée par l’agence AEH Architecture.


A+E // Quels sont les principaux objectifs de la réhabilitation de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat ?

Anas El Himdi : « Le projet d’aménagement et de réhabilitation des locaux de l’Institut Supérieur de l’Information et de Communication (ISIC) de Rabat vise en premier lieu à donner un nouveau souffle de vie à ce bâtiment à grande valeur patrimoniale ainsi qu’à améliorer l’esthétique globale du bâtiment en vue de refléter l’identité de cette institution qui se reconnaît par le bâtiment qu’il abrite. Le projet met l’accent également sur la préservation et la remise à l’identique des éléments majeurs du projet existant ».

Anas El Himdi : Architecte – AEH Architecture

A+E // Comment envisagez-vous de préserver l’identité et l’essence du bâtiment tout en lui redonnant vie ?

A.E.H. : « En phase d’études, un travail de recherche et d’analyse des anciens plans exécutés et dessinés par les architectes Henri Tastemain et Eliane Castelnau a permis de comprendre et assimiler la conception de ces architectes pionniers en vue de conserver l’âme de leur projet à travers l’agencement des entités majeures du projet, leurs compositions spatiales et aussi à travers la volumétrie du projet. Ce dernier, tel qu’il a été dessiné au départ, se compose essentiellement de 4 entités volumétriques reliées entre elles de façon subtile et symbolique par le biais d’une passerelle en béton traversant un bassin aquatique. Je cite par exemple cette notion d’élément aquatique qui a été perdue à travers le temps et que nous recherchons à retrouver après sa réhabilitation. Cette documentation a servi également à identifier les rajouts défigurant l’âme du projet en vue de la remise à l’identique tel qu’il a été conçu au départ ». 

A+E // Quelles sont les spécificités architecturales du style brutaliste contemporain du bâtiment conçu par Henri Tastemain et Eliane Castelnau dans les années 70 ?

A.E.H. : « Le bâtiment de l’ISIC se distingue tout d’abord par sa particularité de mélanger deux courants architecturaux entre le Modernisme et le Brutalisme. L’édifice, par sa volumétrie, présente une apparence plus légère et sculpturale par le biais des matériaux utilisées sur ses élévations.  Ces derniers nous offrent une lecture de subtilité au choix des matériaux utilisés : la pierre de Salé comme matériau local souvent utilisé lors des années précédentes comme habillage et revêtement mural sur différents monuments emblématiques : La poste – Bank Al Maghrib – Le Parlement et cela symbolise l’enracinement du projet dans l’histoire architecturale du pays…. Puis émergent les matériaux caractérisant le brutalisme : du béton brut – des cadres métalliques de couleur noire et de l’enduit blanc qui estompe légèrement ce style brut du projet ».

Crédit photo : archives du collectif MAMMA Mémoire des Architectes Modernes Marocains

A+E // Quels sont les défis particuliers liés à la préservation et à la rénovation d’un joyau patrimonial du XXe siècle comme celui-ci ?

A.E.H. : « Un projet construit dans les années 70 a forcément subi, au fil du temps, une dégradation des matériaux utilisés. Ces derniers ont été précieusement posés à une époque avec un certain savoir-faire, une technicité précise qui est souvent oubliée aujourd’hui et difficilement retrouvable de nos jours. En plus de cela, l’usage d’un bâtiment similaire a subi, forcément, des interventions partielles, de petites modifications, des rajouts, des suppressions…Il s’avère parfois difficile de retrouver l’historique de l’ensemble de ces modifications et de comprendre la raison derrière ces changements subis en vue de revenir à l’état identique de l’année de sa construction tout en améliorant mais de manière subtile, le confort et l’usage de ce joyau patrimonial ».

A+E // Comment le bureau d’études Sigma Advice et l’entreprise Hidamek SARL contribuent-ils à encadrer et suivre ce projet de réhabilitation ?

A.E.H. : « La première mission de l’architecte dans des cas similaires consiste tout d’abord à une sensibilisation à l’ensemble de l’équipe intervenante sur la valeur patrimoniale que porte ce joyau architectural et que la mission qui nous a été confiée est celle de préserver ce bâtiment tel qu’il a été conçu initialement pour nos générations futures. Le bureau d’études était toujours à l’écoute et sensible à la question de préservation et au traitement et au nettoyage de chaque élément constitutif de ce joyau architectural pour que l’entreprise adjudicataire soit aussi bien encadrée et sensibilisée à la question de préservation. Je pense que le pari en premier lieu est réussi en admirant l’effort fourni de recherche de la bonne technicité de préservation par l’entreprise qui est à l’écoute aux consignes de la maîtrise d’œuvre accompagnatrice durant toute la durée des travaux l’entreprise pour la réussite de cet aménagement ».

A+E // Quelles seront les mesures prises pour garantir que les travaux de rénovation respectent l’intégrité artistique et architecturale initiale du bâtiment ?

A.E.H. : « Avant toute réflexion sur ce projet en phase d’études, nous avons effectué une recherche approfondie sur le contexte historique du bâtiment avec un recours aux services d’urbanisme en quête des plans initiaux d’exécution que nous avons pris comme base et référence de notre documentation. Ces plans initiaux ont servi comme garde-fou pour une remise à l’identique de l’ensemble des ajouts qu’a subi l’édifice et qui ont falsifié l’approche conceptuelle et architecturale adoptée par Tastemain et Castelnau. Cela nous a permis également d’assimiler le fonctionnement technique de certains lots techniques du projet ».

A+E // Enfin, comment cette réhabilitation de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat contribuera-t-elle à préserver et valoriser le patrimoine architectural du XXe siècle tout en répondant aux besoins contemporains ?

A.E.H. : « Les bâtiments de style du brutalisme sont souvent perçus aujourd’hui par l’opinion publique comme des édifices inachevés ou obsolètes et cela dû à la dégradation des éléments représentatifs de ce style tels que le béton brut fissuré, les aciers noirs corrodés et la pierre naturelle noircie par l’humidité…. L’intervention sur ces pathologies et les travaux de réhabilitation redonneront vie à cet édifice et feront changer notre perception vis-à-vis les bâtiments similaires de ce style architectural. Le Royaume du Maroc jaillit d’exemples similaires à cet édifice qui peuvent être aussi réhabilités et pourra être pionnier par son savoir-faire comme le montre aujourd’hui dans la réhabilitation de l’ensemble des édifices de l’Avenue Mohammed V de Rabat ».


A PROPOS DE L’AGENCE AEH

L’agence AEH ARCHITECTURE est une agence d’architecture créée en 2021 et qui se distingue par sa double expertise en architecture hospitalière et en réhabilitation patrimoniale par le biais de son architecte fondateur Anas EL HIMDI. Dans le domaine de l’architecture hospitalière, le cabinet privilégie des conceptions modernes et fonctionnelles, mettant l’accent sur l’efficacité opérationnelle et le bien-être des occupants. Dans le secteur de la réhabilitation patrimoniale, le cabinet excelle dans la préservation et la restauration du patrimoine bâti de différents siècles. L’approche consiste à allier respect de l’histoire architecturale, conservation des éléments d’origine et intégration harmonieuse de nouvelles fonctionnalités de temps.

ARTICLE PAR Yasmina Hamdi
CRÉDIT PHOTO Archives du collectif MAMMA Mémoire des Architectes Modernes Marocains

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