De l’architecture à l’enseignement

Architecte DPLG et docteur es sciences urbaines de l’université des sciences sociales de Grenoble, Abderrafih Lahbabi a commencé sa carrière par un fructueux passage à la Direction Centrale de l’Urbanisme au ministère de l’habitat. A partir de 1980 il exerce, durant une vingtaine années, en tant qu’architecte privé et réalise de nombreux projets. Il ressent un pressant besoin de changement et de renouvellement et fait un long séjour au Canada qui lui permet d’élargir ses horizons et découvrir l’approche nord américaine. De cette expérience il revient marqué par une sensibilité singulière à la démarche anglo-saxonne, à la rigueur et la culture de l’excellence. En 2004, après la décision du gouvernement de créer l’Ecole d’Architecture de Casablanca, il fut retenu avec son équipe pour la réalisation de ce projet. Depuis cette date, en tant que fondateur et directeur pédagogique de l’EAC, il se consacre totalement à l’enseignement et la recherche.

A+E // Comment a commencée votre expérience dans l’enseignement ?

Abderrafih Lahbabi // « Il faut rappeler que la fin des années 70 avait connu l’arrivée en nombre d‘architectes marocains correspondant au commencement de la marocanisation du métier d’architecte. C’était aussi l’époque de l’ANAU dont une des revendications était la création d’une école d’architecture marocaine. Un véritable challenge que de créer un premier foyer de réflexion et de formation en architecture. Le ministre de l’habitat de l’époque, Abbes El fassi avait chargé une petite équipe de quatre architectes de préparer cette école. Cette équipe dont je faisais partie avait travaillé d’arrache- pieds pour la création de l’ENA inaugurée en 1980. C’était un passionnant et long parcours que nous avons vécu comme un acte militant. Puis, j’ai passé douze ans à enseigner dans cette école ».

A+E // Vous êtes encore tombé dans la soupe en 2004. Dans quelles conditions ?

A.L // « En 2002, le gouvernement Jettou avait annoncé l’idée d’associer le secteur privé à l’enseignement supérieur. C’est ainsi que fut décidé, à l’initiative de l’État, de créer la deuxième école d’architecture du pays à Casablanca. Quand l’appel à manifestation d’intérêt avait été lancé je fus sollicité alors par des amis pour former une équipe qualifiée pour la réalisation de ce projet. L’idée avait quelque chose d’exaltant, dans la mesure où après l’expérience de Rabat j’avais la chance de me lancer pour la deuxième fois dans la création d’une école d’architecture disposant cette fois-ci d’une meilleure expérience et d’un cadre institutionnel novateur ».

A+E // Quelles exigences vous êtes vous donné ? Quelle culture d’Ecole ?

A.L // « Dés la départ nous voulions une école d’excellence, moderne, innovante et adossée à notre milieu mais ouverte sur l’Afrique et le pourtour méditerranéen. Nous voulons une place dédiée à la réflexion, aux rencontres et à l’échange, un regard croisé des disciplines spécialisées. L’école d’architecture offre à l’étudiant une formation complète en le dotant du bagage culturel et technique nécessaire. Notre ambition est de former des professionnels compétents et cultivés imprégnés des spécifiés de notre milieu et des défis du cadre de vie architectural et urbain de demain, moderne et innovant ».

A+E // Vous travaillez sur quel genre de profil d’architecte à l’EAC ?

A.L // « Une bonne école d’architecture se reconnaît par son projet pédagogique qui détermine le profil de l’architecte à former. Les étudiants doivent être au fait des méthodes de travail, de recherche et d’innovations technologiques. Le cœur de l’enseignement reste évidement le travail pratique du projet architectural et urbain. Par des projets longs ou courts, par la complexité croissante des sujets et des programmes, l’étudiant expérimente le travail de projéctation et développe ses propres capacités créatrices. Il est amené à développer le sens critique vis à vis de son propre travail et les références architecturales existantes. L’étudiant apprend à développer la rigueur intellectuelle du projet, à étendre la réflexion au-delà des contraintes immédiates par une attention particulière aux notions de site, de ville et de territoire ».

A+E // On dit que l’enseignement de l’architecture est une de formation de généraliste ?

A.L // « L’EAC, comme toutes les écoles d’architecture européennes, donne à ses étudiants une formation qualifiée, de généraliste. C’est une formation professionnalisante, permettant à l’architecte d’exercer son métier. Mais, aussi ouverte sur l’apprentissage permanent et la capacité de d’adaptation aux changements. L’analyse de l’évolution de l’exercice du métier nous conduit à ne plus réduire le rôle de l’architecte au niveau de l’exercice libéral ou au niveau de la fonction publique. Nous pensons qu’il y a d’autres créneaux de travail à conquérir relevant de la compétence de l’architecte. Ces profils qui commencent à apparaître avec le développement économique peuvent élargir le champ d’intervention des architectes : l’urbanisme, le paysage, l’expertise, le patrimoine, le développement immobilier, ou encore l’enseignement et la recherche. Le souci de notre école est d’adapter et d’anticiper la formation en fonction des exigences du marché et de l’évolution de la pratique du métier ».

A+E // Comment adoptez-vous la formation aux exigences de l’international ?

A.L // « L’EAC est née en 2004, juste après la réforme universitaire que le Maroc a adoptée par la loi 01/00.Dans ce sens, l’école a adhéré d’emblée au système LMD (Licence-Master-Doctorat) qui organise le système selon des normes internationales et qui facilite nos rapports avec nos partenaires étrangers. L’enseignement est organisé en un cycle de 3 années équivalent au grade de licence et un cycle de 2 années équivalent au grade de Master ; la 6ème année étant consacrée à la préparation du diplôme. Face aux défis de la globalisation, notre ambition est de faire ancrer notre école dans un réseau de partenariat national et international pertinent et varié. Nous avons d’excellents rapports de partenariat avec une dizaine d’écoles européennes. Nous recevons régulièrement des étudiants des autres écoles comme nous avons un atelier délocalisé dit « métropoles méditerranéennes » où nos élèves sont reçus par d’autres écoles d’architecture (Bruxelles, Delft, Séville, Marseille, Lisbonne) ».

A+E // Comment assurez-vous pour l’intégration professionnelle des étudiants ?

A.L // « L’EAC offre une formation professionnelle qui débouche sur un métier, il est tout à fait normal que l’école soit proche de la profession, du monde de la création et des nouvelles technologies. Dans ce sens, le cursus de formation comprend trois stages obligatoires. D’un autre coté, l’école fait appel à des enseignants aussi bien professionnels qu’universitaires et s’attache à rester ouverte sur l’extérieur. Elle organise des conférences, séminaires, workshops, voyages pour compléter l’enseignement académique. D’après notre recensement tous nos diplômés trouvent un emploi dés leur sortie de l’école et certains figurent parmi les lauréats d’importants concours nationaux et internationaux ».

A+E // La recherche semble occuper une place importante dans votre école, pourquoi ?

A.L // « Nous considérons en effet que la mission de l ‘école n’est pas seulement la formation, mais aussi la recherche et la diffusion. Elle est un lieu de formulation de problématiques sur l’architecture et la ville en associant chercheurs, étudiants, et professionnels dans des projets de recherche. A cet effet, nous avons trois cellules de recherche, vitrine scientifique de l’école, et pépinière d’enseignants-chercheurs concourant à la constitution d’un corps pédagogique performant et consciencieux. Nous travaillons actuellement sur trois projets de recherche :

– Casablanca-Métropolisation-Globalisation

– Habitat et nouvelles urbanités

– Typo-morphologie urbaine Casablancaise

D’un autre coté, il faut rappeler que la sixième année de formation est réservée à l’élaboration des projets de fin d’études (PFE) soutenus devant un jury de professionnels et d’universitaires. Actuellement, l’école a accumulé prés d’une centaine de mémoires, de véritables travaux de recherche, qui constituent un excellent fonds documentaire. Quant à la mission de diffusion, l’école entend jouer un rôle dans la transmission de l’information et de la culture architecturale par des publications, des colloques, conférences, séminaires… Nous aimerions faire de l’école une place incontournable pour les chercheurs travaillant sur Casablanca en tant que métropole internationale et sur l’architecture au Maroc ».

BIOGRAPHIE :

Abderrafih Lahbabi Architecte DPLG et docteur en sciences urbaines de l’université des sciences sociales de Grenoble Abderrafih Lahbabi a commencé sa carrière par un fructueux passage à la Direction Centrale de l’Urbanisme au ministère de l’habitat. A partir de 1980 il exerce, durant une vingtaine années, en tant qu’architecte privé et réalise de nombreux projets dans les domaines du résidentiel, l’industriel, l’institutionnel, le scolaire, et l’urbanisme. Après cette longue carrière, il ressent un pressant besoin de changement et de renouvellement. Ce qu’il a pu accomplir durant un long séjour au Canada élargissant ainsi ses horizons et découvrant l’approche nord américaine à travers d’intéressantes expériences professionnelles notamment à Community Design and Environnement Division, mairie d’Ottawa. De cette expérience il revient marqué par une sensibilité singulière à la démarche anglo-saxonne, à la rigueur et la culture de l’excellence. En 2004, après la décision du gouvernement de créer l’Ecole d’Architecture de Casablanca, il fut retenu avec son équipe pour la réalisation de ce projet. Depuis cette date, en tant que directeur pédagogique de l’EAC, il se consacre totalement à l’enseignement et la recherche.

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