Interview avec Noureddine Ayouch

Noureddine Ayouch est certainement le fondateur de l’accompagnement en communication institutionnelle au Maroc. Figure de proue, il a diversifié ses actions dans les médias avec la revue Kalima et dans l’associatif avec Zakoura. Son agence Shem’s Pub compte le conseil en publicité des plus grands banquiers du Royaume. Il y a 20 ans, il a été le fondateur d’Archipel dirigée aujourd’hui par des architectes.


Architecture du Maroc // Vous êtes l’un des pionniers des professionnels qui ont introduit au Maroc les techniques de l’identité visuelle. Pouvez-vous rappeler vos expériences dans l’univers bancaire ?

Noureddine Ayouch // Mon expérience dans ce domaine a en effet commencé dans les années 70. L’identité visuelle était une nouveauté au Maroc et introduit à l’époque par des groupes étrangers. Mon premier client a été la BCM à qui on proposait de passer des techniques traditionnelles qu’étaient les annonces dans la presse ou les brochures à une réflexion globale sur ce que recouvrait le nom, la marque. L’ensemble de la notion de communication en a été bouleversé. Je me souviens du film splendide qui a accompagné la découverte du logo et qui montrait deux danseurs de l’Opéra de Paris, symbolisant l’alliance harmonieuse entre le client et la banque. Cela a été une révolution qui a contribué à transcender la communication.

La deuxième expérience a été la Wafabank pour laquelle nous avons commencé par choisir un nom marocain. L’idée était de susciter la confiance. Notre travail sur le système d’identification visuelle a fait l’objet d’un film publicitaire qui a fait date : il montrait un voile qui se soulevait pour découvrir un soleil levant et le nouveau logo.C’était spectaculaire! La communication prenait le pas sur l’architecture et le design. C’est la charte graphique qui déterminait dorénavant le cadre et les composantes de tout ce qui déterminait l’environnement.

de la banque. Ses parts de marché ont explosé, preuve de l’efficacité de cette stratégie. J’ai travaillé aussi avec la BMCE sur son changement de logo, puis à la transformation de celui de la Banque populaire, dont nous avons fait évoluer l’image du cheval, trop bien ancré dans la culture de l’entreprise pour être changé. On peut dire que les métiers de l’identité visuelle ont pris leur essor au Maroc grâce aux banques.

AM // Quelle est la fonction du logo par rapport à l’architecture ?

N.A // Le logo traduit une philosophie, l’image que veut communiquer l’entreprise à son environnement. S’il est réussi, il fonctionne tout seul sans qu’un seul mot soit nécessaire. Il fonctionne comme une métaphore. La main de Wafabank pour évoquer la confiance, celui de la BMCE évoquant l’envol qu’est le commerce extérieur, le cheval de la Banque populaire qui plonge aux racines mêmes du patrimoine marocain.

AM // En quoi l’identité visuelle participe à l’architecture ? Ne limite-t-elle pas la créativité ?

N.A // Nous livrons une charte qui définit le système visuel dans toutes ses déclinaisons : du papier à lettres jusqu’aux façades du bâtiment, en passant par le logo, les codes couleurs.

L’élaboration d’une telle charte représente un investissement en temps et en argent. C’est un document très élaboré qui donne un cadre, un cahier des charges. Et c’est bien à un cahier des charges que répond l’architecte ou le designer. La créativité ne s’exprime jamais mieux que lorsqu’elle répond à une demande structurée. D’ailleurs, je vous fais remarquer qu’une entreprise comme Archipel, que j’ai fondée il y a vingt ans, est dirigée par des designers et des architectes.

AM // Quel est le temps de vie d’un système d’identification visuelle ?

N.A // Il arrive que l’on fasse évoluer ou que l’on dépoussière une identité comme cela a été le cas pour la Banque populaire. Mais d’une manière générale, une campagne réussie, on ne la change pas avant vingt ou trente ans sans prendre le risque de mettre à bas l’investissement et la capitalisation de la marque. Un changement trop rapide peut déstabiliser le consommateur comme on a pu le voir avec la campagne « Coca Light » qui s’éloignait trop des fondamentaux de la marque.

AM // Est-ce que l’on peut dire que la banque tient un rôle précurseur au niveau de l’architecture ?

N.A // L’architecture n’est pas le propre des banques, en revanche le système d’identification visuelle, du point de vue quantitatif et qualitatif, est très présent. La banque joue ainsi un rôle fondamental dans l’espace urbain autant que dans la société en offrant une image de rassemblement et de cohérence. Les bâtiments fermés et sombres ont laissé place à des espaces plus ouverts et plus transparents.

Les Marocains avaient peur de la banque et préféraient garder leur argent chez eux. Les innovations de la BMCE changent aujourd’hui le regard sur l’argent et l’ouvre d’une façon spectaculaire sur la modernité. En ce sens le Maroc est à la pointe de l’innovation.

Il faut aussi savoir placer le curseur au bon endroit. Trop de transparence peut susciter des questions sur la sécurité. Les bâtiments de la BMCE s’implantent dans les grandes villes, car des innovations trop avantgardistes peuvent provoquer ailleurs un sentiment de rejet.

AM // Quelles pourraient être les évolutions futures ?

N.A // La crise peut changer les choses mais dans quel sens ? Les banques peuvent être incitées à plus de modestie, moins de facilité à exposer leur richesse. Une enquête serait peut-être utile pour connaître l’impact psychologique de la transparence et l’ouverture : la transparence des murs peut être une façon de décourager le vol !

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