L’architecture bancaire : entre fait de société et exercice de style

L’émergence du secteur bancaire au cours de la dernière moitié du siècle a changé le paysage architectural de Casablanca, c’est un fait. Découvrir un sens cohérent dans ce fait architectural est notre propos en tant que praticien de l’architecture.

Depuis que plusieurs banques ont fait appel à des architectes connus sur la place, Casablanca est en passe de devenir un champ de bataille de ces entreprises en quête d’une image de prestige. L’ambition de ces banques en faisant appel à ces architectes n’est pas seulement d’ériger un immeuble de bureaux mais aussi et surtout de concevoir un bâtiment-sculpture. Ceci tient en grande partie au changement d’attitude des banquiers. Ils sont devenus des mécènes investissant sur le marché de l’art, l’homme de finance devient au fur et à mesure homme de culture.

L’impact de ces bâtiments, leur prestige pour certains, leur effrayante laideur pour d’autres font prendre conscience de l’importance de l’architecture bancaire à Casablanca. Mais comment en est-on arrivé là ?

La petite histoire du secteur bancaire au Maroc nous révèle qu’après l’acte d’Algesiras en 1906 qui a institué Bank al Maghrib en 1907 le secteur n’a connu sa vraie organisation qu’en 1943. Dans cette phase historique, la banque était érigée au rang d’édifice public illustrant la dignité et la noblesse dont on cherchait à entourer le monde des affaires (Bank al Maghrib place administrative).

Après  cette phase s’en est suivi la démocratisation de la banque et de ses services, ayant comme incidence une architecture plus ouverte avec des façades entièrement en verre (bd Abdelmoumen).

Cette architecture ouverte toute en verre n’était pas propre aux banques, cette expression architecturale s’inscrivant dans l’évolution générale de l’architecture de l’époque.

Aujourd’hui la banque a de nouvelles fonctions : le mécénat, la culture… en plus des fonctions traditionnelles. Cet état de fait incitera les responsables du secteur en quête d’image de prestige à rechercher des grosses pointures en architecture pour concevoir leur projets (agence BMCE par Norman Foster).

Pour étayer tout cela, l’analyse de l’expression architecturale des bâtiments de banques sur le boulevard Hassan II et le boulevard Abdelmoumen arrive a point nommé.

Le foisonnement de styles post-moderne, moderne et ce qu’on peut qualifier comme architecture sculpturale semble meubler  et marquer ces deux plus importantes artères de Casablanca. On est passé d’une architecture d’emballage à une architecture sculpturale qui traite « le sanctuaire financier : la banque » comme une sculpture ou encore comme un relief artistique.

En guise d’épilogue, nous dirons que l’architecture bancaire s’est dévoilée depuis longtemps comme étant une valeur importante, elle a imprégné de manière définitive le paysage architectural de Casablanca. Notre ville est marquée par cette architecture bancaire pour deux raisons importantes : la première est d’ordre économique — Casablanca est une place financière régionale et internationale connue—, la seconde raison qui a stimulé la construction des banques est l’idée de « la corporate image » c’est-à-dire savoir donner une image dynamique de la banque car, comme dit l’adage marocain, « zawak tbi3 » ou encore, comme l’a dit le célèbre designer Raymond Loewy, « la laideur se vend mal ». 

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