Entre souvenirs d’enfance, passion intacte et regard affûté sur la société, Majid Lahbabi incarne l’architecte dans toute sa dimension humaine. Formé à Paris, nourri par des expériences à New York et enraciné au Maroc, il trace depuis 1985 un parcours fidèle à sa vision : celle d’un métier au service du beau, du juste, et du durable. Pour A+E, il revient sur sa vocation née dans une boîte de « Lego », son amour secret pour la cuisine, et son engagement pour une architecture éthique et contemporaine.
A+E // Présentez-vous-en quelques mots et parlez-nous brièvement de votre parcours professionnel.
Majid Lahbabi : Je suis Majid Lahbabi, architecte marocain né à Casablanca en 1960. Fils d’un médecin et d’une mère au foyer, j’ai obtenu mon baccalauréat scientifique au Lycée Lyautey de Casablanca en 1977. La même année, j’ai intégré l’École Spéciale d’Architecture à Paris, où j’ai obtenu mon diplôme en 1983.
Parallèlement à mes études d’architecture, je me suis perfectionné en construction industrielle à l’ICI (Institut de Construction Industrielle) pendant deux ans, obtenant le diplôme correspondant. J’ai également suivi une formation en sciences appliquées au bâtiment à l’École des Ponts et Chaussées, sanctionnée par une licence. J’ai eu l’opportunité d’effectuer un stage de quatre mois au sein du prestigieux cabinet d’architecture Edward Durell Stone à New York. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai été recruté par le cabinet Louis Riou en tant que collaborateur direct. J’ai ainsi participé, durant 2 années, à la réalisation de nombreux projets d’envergure, notamment des hôtels, des résidences et des bâtiments institutionnels. En 1985, j’ai fondé mon propre cabinet d’architecture, marquant le début de ma carrière dans le secteur privé. Depuis lors, j’ai eu le privilège de concevoir et de réaliser de nombreux projets variés au Maroc et à l’étranger.
A+E // Comment définiriez-vous le rôle de l’architecte aujourd’hui ?
M.L. : Le rôle de l’architecte aujourd’hui : un conseiller global et garant de la qualité du projet. L’architecte occupe une place primordiale et indispensable dans la réalisation de tout projet de construction. Fort de ses études approfondies et de l’expérience accumulée au fil de sa carrière, il possède des compétences générales qui lui permettent d’offrir un conseil précieux à son client à chaque étape du projet. Ses connaissances techniques lui permettent de comprendre, d’analyser et de proposer des solutions concrètes aux demandes formulées, tout en anticipant et en résolvant les éventuels problèmes techniques qui pourraient survenir. Sa sensibilité artistique et sa capacité à concevoir des espaces harmonieux lui permettent de créer des projets esthétiques, tout en intégrant les contraintes techniques et en veillant à l’équilibre des volumes et au rythme des lignes.
Au-delà de ses compétences techniques et artistiques, l’architecte est tenu de respecter une éthique et une déontologie professionnelle rigoureuses, tant vis-à-vis de ses confrères que des entreprises intervenant sur le chantier. Il agit en tant que conseiller impartial pour son client, assurant la défense de ses intérêts techniques, esthétiques et financiers face aux entreprises de construction.
Faire appel à un architecte, c’est avant tout bénéficier de plusieurs garanties essentielles.
C’est d’abord la garantie de compétence : grâce à une formation rigoureuse et une solide expérience, l’architecte apporte une vision globale et maîtrisée à chaque étape de votre projet, de la conception à la réalisation. C’est aussi la garantie d’éthique : en respectant une déontologie stricte, il agit dans l’intérêt de son client, en toute impartialité.
Vient ensuite la garantie contractuelle : l’architecte encadre la mission par des contrats clairs, définissant les rôles et les responsabilités de chacun.
Enfin, faire appel à un architecte, c’et s’assurer d’un accompagnement professionnel et engagé, fondé sur la compétence, l’écoute et la rigueur. L’architecte comprend nos modes de vie et nos préférences personnelles et professionnelles, et conçoit des espaces qui nous correspondent. Il prend également en compte l’importance de la qualité de la conception pour optimiser les coûts d’entretien et d’utilisation de votre futur bâtiment. De plus, il s’engage à concevoir des projets qui respectent l’environnement et à optimiser le déroulement du chantier pour une réalisation rapide et efficace.
A+E // Si vous deviez expliquer pourquoi vous avez choisi l’architecture comme métier, quelle image utiliseriez-vous ?

M.L. : À l’âge de sept ans, mes parents m’ont offert une immense boîte de Lego. Cette découverte a déclenché une passion dévorante pour la construction de maquettes. Mon passe-temps favori était de concevoir et de fabriquer des maisons, d’abord simples, puis de plus en plus complexes au fur et à mesure que ma collection de briques s’étoffait. Devant mon enthousiasme, ma mère, admirative, m’entendit lui déclarer, absorbé par ma construction : « Quand je serai grand, je serai architecte. »
Mes parents, sceptiques quant à la constance de mes aspirations, pensaient que mes projets évolueraient avec le temps. Pourtant, tout au long de ma scolarité, mon intérêt pour l’architecture n’a cessé de croître. Je me passionnais pour les grandes œuvres architecturales, qu’elles soient modernes ou anciennes, pour les monuments historiques et, surtout, pour la magie artistique qui permet de créer des œuvres durables.
Mes choix de sujets pour les exposés libres se sont naturellement orientés vers l’architecture, explorant les différents styles, les monuments anciens et contemporains. Après avoir obtenu mon baccalauréat, j’ai tenu à démentir les doutes de mes parents en prouvant ma détermination par mon inscription à l’école d’architecture.
A+E // Quel autre métier auriez-vous aimé exercer ?
M.L. : Ma mère, que Dieu ait son âme, était une cuisinière hors pair. Elle avait même pris le soin d’écrire ses propres recettes dans un cahier… qui, malheureusement, n’a jamais été publié. Tout petit, j’ai baigné dans sa passion. Je passais des heures à ses côtés, à la regarder faire, à l’aider, à humer les parfums de ses plats… Et cette passion, je l’ai gardée. Aujourd’hui encore, je prends plaisir à imaginer mes propres recettes, et je dois dire que ma famille en est la première fan. Si je n’avais pas été architecte, je crois que j’aurais adoré devenir chef. Être derrière les fourneaux d’un grand restaurant, créer avec des saveurs comme on crée avec des matières… C’est un autre art, mais la même envie de faire plaisir et de laisser une trace.
A+E // Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes futur(e)s architectes ?
M.L. : Pour les jeunes futurs architectes marocains, il est essentiel de cultiver une curiosité intellectuelle, d’acquérir de solides compétences techniques et théoriques, de comprendre les spécificités du contexte local, de chercher des expériences pratiques, de développer un sens de l’éthique et de construire un réseau professionnel solide. La passion et la persévérance doivent être les meilleurs alliés dans cette belle et exigeante profession.
A+E // Qu’avez-vous à dire aux jeunes architectes diplômés à l’étranger qui hésitent à rentrer exercer au Maroc ?
M.L : J’encouragerai les jeunes architectes marocains à effectuer des stages à l’étranger. Ce serait un investissement dans leur développement professionnel et personnel, qui peut leur ouvrir des horizons plus vastes, les doter de compétences plus diversifiées et enrichir leur contribution future au paysage architectural marocain. L’expérience acquise à l’étranger peut les rendre plus compétitifs, plus créatifs et plus aptes à répondre aux défis de l’architecture contemporaine.
Chers jeunes architectes diplômés à l’étranger, votre formation et votre expérience sont de précieux atouts pour le Maroc. Certes, le retour peut présenter des défis, mais les opportunités de contribuer à l’essor de notre pays et de laisser votre empreinte architecturale sont immenses. Prenez le temps de vous informer, de vous connecter, et n’hésitez pas à mettre votre expertise au service du développement du Maroc. Votre vision et votre créativité sont attendues et valorisées !
A+E // Quel changement majeur pensez-vous qu’il serait nécessaire de faire dans le domaine de l’architecture au Maroc ?
M.L : Les changements majeurs nécessaires dans le domaine de l’architecture au Maroc tendent vers une approche plus durable, plus respectueuse de l’identité culturelle, plus intégrée dans l’urbanisme, et soutenue par une formation et une gouvernance renforcée. L’objectif est de concevoir et de construire des villes et des bâtiments qui répondent aux besoins de la population tout en préservant l’environnement et en valorisant le patrimoine.
Sans transition :
A+E // Le métier d’architecte en une couleur ?
M.L : Le beige. Une couleur qui rassure et apaise. Elle a ce côté intemporel, lumineux, et culturellement très ancré. Mais attention, ce n’est pas une règle figée. Le choix des couleurs reste avant tout une démarche créative, liée au contexte, à l’usage, à l’intention du projet. Ce qui compte, c’est la diversité des palettes. C’est elle qui nourrit la richesse et l’expression de l’architecture.
A+E // Le métier d’architecte en une citation ou proverbe ?
M.L : C’est le proverbe qui capture le mieux ma conception de l’architecture, qu’elle soit héritée du passé ou résolument moderne. Il met en lumière son rôle fondamental dans la mémoire collective : « L’architecture est le témoin silencieux de l’histoire. »
A+E // Si l’architecture était un son ou une mélodie, lequel choisiriez-vous ?
M.L : Les symphonies et tout particulièrement celles de Beethoven, que j’affectionne profondément; sont souvent comparées à des œuvres architecturales. Leur construction repose sur une structure rigoureuse, où chaque mouvement s’apparente à un « étage » musical. Ces niveaux sont subtilement reliés entre eux par des thèmes récurrents, des idées musicales qui se déploient et se transforment au fil de l’œuvre. L’ensemble donne une impression de cohérence puissante, d’équilibre savant, comme un édifice sonore à la fois complexe, harmonieux et solidement construit.
A+E // Le métier d’architecte en une émotion : laquelle vous vient en tête ?
M.L : La conception d’un projet architectural est un voyage émotionnel riche. Elle débute par la passion qui anime le premier coup de crayon, se poursuit avec l’engagement intense lors de la définition des détails techniques, puis suscite l’inquiétude à l’entame des travaux, l’anxiété pendant le suivi du chantier, pour finalement aboutir à la fierté lors de la concrétisation de l’œuvre.
A+E // Si vous deviez décrire l’architecture avec un parfum ou une odeur, lequel serait-il ?
M.L : L’odeur de la terre ou de la pierre, souvent un parfum discret de minéraux, avec une touche de fraîcheur et de solidité. Elle évoque le passé et la nature, plus une sensation qu’une vraie description.
A+E // Quelle saison représente le mieux l’architecture selon vous, et pourquoi ?
M.L : Le printemps nous rappelle le renouveau, quand tout recommence à pousser et à s’épanouir. La lumière revient, et l’ensemble devient plus beau et équilibré. Ces mêmes idées de nouveau départ, de développement, de lumière et d’harmonie sont au cœur de l’architecture, quand on crée et qu’on construit. Le printemps évoque le potentiel et le changement, comme la création d’un bâtiment.
A+E // Le métier d’architecte en un poème : lequel choisiriez-vous ?
M.L : Un poème appris en cours d’espagnol (que je maîtrise couramment) me vient à l’esprit.
La Alma de la Piedra
El arquitecto, poeta de la construcción,
Teje con espacios, con luz, con emoción.
Un hogar, un templo, un puente que conecta,
La huella del hombre, que el tiempo respeta.
…..
L’architecte, poète de la construction,
Tisse avec les espaces, avec la lumière, avec l’émotion.
Un foyer, un temple, un pont qui relie,
L’empreinte de l’homme, que le temps respecte.
A+E // Pour vous, une œuvre architecturale, c’est avant tout… ? (Complétez avec un mot ou une phrase)
… une recette de cuisine, où l’architecte est le chef qui combine les ingrédients selon un plan pour créer une expérience spatiale et esthétique savoureuse (fonctionnelle et agréable).
INFOS
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