Yassine Mrini : « Une approche de mise en application unilatérale, ne peut que mettre en péril la confiance intra-professionnelle et intergénérationnelle »

Après plus de trois semaines de débats acharnés, autour de l’application du stage post-diplôme obligatoire de 2 ans pour les architectes, les positions sont maintenant bien tranchées. Entre communiqués officiels, lettres ouvertes aux instances concernées, et apparitions médiatiques, les étudiants en architecture ne cessent d’affirmer leur position. Aujourd’hui, Yassine Mrini, porte-parole du Comité National des Etudiants des Ecoles Nationales d’Architecture (CNEENA), se livre à nous, pour porter la voix de milliers de futurs lauréats.


A+E // Qui sont les représentants des étudiants en architecture ?

Yassine Mrini : Dès que nous avons été mis au courant, par le biais d’une fuite sur les réseaux sociaux, de l’existence d’une correspondance adressée par le Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA) au Secrétariat Général du Gouvernement (SGG) au sujet du stage obligatoire post-diplôme de 2 ans, les étudiants en architecture marocains ont désigné leurs représentants à travers le suffrage direct.

L’ensemble des représentants des étudiants des écoles d’architecture reconnues, se joignent, face à l’urgence de la situation, au Comité National des Étudiants des Écoles Nationales d’Architecture (CNEENA), composé des représentants élus de chaque ENA.

A+E // Pensez-vous qu’en 2022, les conditions d’application du stage post-diplôme, sont plus favorables par rapport aux trente dernières années ?

Y.M : Certainement pas, les conditions et circonstances de l’application du stage obligatoire post diplôme, aujourd’hui, sont de plus en plus défavorables. Chaque année, 1.400 nouveaux lauréats (pré-estimés sur la base d’un stage obligatoire post diplôme de 2 ans) devront être accueillis par les cabinets et sociétés d’architectes. Nous sommes donc passés, d’une cinquantaine de diplômés dans les années 90s, à potentiellement 2000 nouveaux lauréats à accueillir par an, (dû au chevauchement des promotions) à l’horizon 2030. Ceci est principalement dû, à l’augmentation du nombre d’écoles d’architecture dans notre pays. Tout cela ne peut que conforter l’absence de toute étude de faisabilité préalable à cette mesure.

A+E // Que reprochent les étudiants à l’application du stage prévu par la loi ?

Y.M : Tout d’abord, il est question de forme. L’approche de mise en application, initiée de manière unilatérale et loin de toute démarche participative, ne peut que mettre en péril la confiance intra-professionnelle et intergénérationnelle, indispensables à la prospérité du métier. Dans ce sens, nous saluons les premiers indices d’ouverture au dialogue émis par le CNOA.

Ensuite, il s’agit aussi et surtout du fond de cette application. Pendant près de 30 ans, une situation d’illégalité a régné, elle ne peut être soldée à travers l’application pure et simple d’articles de loi caducs et gelés. Outre les conditions d’application dudit stage citées ci-dessus, nous pensons fermement, qu’un cursus post baccalauréat d’une durée de 6 ans est censé être suffisant, et dans les normes internationales pour former au niveau théorique et pratique; des étudiants aptes à exercer le métier d’architecte. Il est à noter que la formation de base en architecture dans notre pays, est l’une des plus longues au monde. Cette spécificité propre à notre pays, se doit d’être prise en compte dans la réflexion autour du sujet.

A+E // Que souhaitent les étudiants aujourd’hui ?

Y.M : Notre conviction, depuis le début, a été basée sur le dialogue et l’approche inclusive. À l’heure actuelle, nous ne pouvons accepter qu’une zone de flou prenne en otage l’avenir et les aspirations légitimes, de milliers d’étudiants et de jeunes lauréats. L’initiative du CNOA, demandant la suspension de l’octroi des autorisations jusqu’à la mise en application des dispositions du stage obligatoire de 2 ans à effet immédiat, est en déphasage avec la réalité multidimensionnelle de la situation. Nous souhaitons donc, que le statut quo soit préservé, en l’absence du résultat de toute réflexion incluant l’ensemble des parties concernées, dont en premier lieu, la composante estudiantine.

A+E // Quelles sont vos revendications ?

Y.M : Nos revendications sont claires, et se résument en deux points essentiels :

  • Un amendement de la loi 16/89 relative à l’exercice de la profession d’architecte et à l’institution de l’Ordre National des Architectes, visant l’article 4 de la première section, ainsi que des articles 8 à 16 de la deuxième section relative au stage obligatoire post-diplôme.
  • L’inclusion de la partie estudiantine dans le processus de prise de décision, touchant notamment la formation, dans ses volets théoriques ou pratiques.

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